dimanche 31 janvier 2010

La zique de quand j'étais jeune


Quand j'étais petit garçon, je m'étais promis de ne jamais employer l'expression "quand j'étais jeune", pensant (et faut être jeune pour penser ça) qu'on reste jeune tant qu'on n'a pas décidé que c'était fini. Dans quelques mois, je vais entamer mon deuxième cinquantenaire, et si je reste globalement assez d'accord avec cette volonté de nier l'évidence aussi longtemps que possible, je suis bien forcé de reconnaître qu'il y a aujourd'hui des domaines dans lesquels la jeune génération n'acceptera plus jamais de me considérer autrement que comme un vieux con. Sur ces points précis, je prouve plus élégant d'assumer que de nier l'évidence. Donc, à titre exceptionnel, je vais vous entretenir ici de la musique que j'écoutais "quand j'étais jeune" -- c'est-à-dire au temps pas si lointain des disques en vinyle.

J'y ai repensé parce que ce week-end, profitant de ce que l'on m'avait confié un enregistreur numérique ("de mon temps", ça s'appelait un magnétophone, mais justement ça n'a plus rien de magnétique), j'ai entrepris de convertir en MP3 quelques morceaux choisis extraits d'un carton de disques 33 tours qui traîne quelque part chez moi depuis... bah, depuis quelque chose comme 1991, en fait. Je peux encore et très provisoirement passer ces disques sur une platine à peu près aussi vieille dotée d'un saphir à peu près aussi vieux (et pas neuf, même s'il n'a pas énormément servi). Evidemment, ça craque comme un feu de bois, accessoirement ça saute un ou deux sillons, mais globalement ça peut être bouffé sans trop de problème par l'enregistreur, et sans micro en plus: croyez-le si vous voulez, un cordon de raccordement mini-jack tout ce qu'il y a de plus banal permet de connecter l'ampli de 1994 à l'enregistreur de 2009, et c'est là qu'on voit que l'analogique, c'est quand même rudement moins éphémère que l'informatique: même si mes vinyles vivent assurément leur derniers instants, ils restent audibles vingt à trente ans après leur achat, alors que je n'aurais pas la moindre chance de tirer quelque chose de mes disquettes de la même époque, ni même de mes sauvegardes sur Zip Iomega pourtant effectuées il y a seulement une quinzaine d'années.

A vrai dire, quand j'ouvre mon vieux carton de 33 tours, j'ai la consternation de constater que j'ai bien peu vécu l'époque de ma folle jeunesse dans le domaine musical. J'affirmais à l'époque -- et en fait, c'est toujours l'opinion que je professe par provoc -- que la musique était morte avec Schubert, et que rien de postérieur à icelui ne m'intéressait. Dans mon tas de vinyles, il y a donc très principalement de la musique classique (surtout produite par la Deutsche Grammophon), mais on trouve quand même quelques albums presque contemporains de votre serviteur -- généralement offerts par ma soeur, qui était dans ce domaine sensiblement plus contemporaine que moi; il y a aussi quelques titres offerts par mon cher père. Ces disques ne représentent donc pas vraiment mes goûts, mais je les écoutais quand même, et à les écouter craquer, il semble même que ç'ait été assez fréquemment.

J'ai écouté des trucs certes contemporains de ma folle jeunesse, mais déjà considérés comme ringards à l'époque. Tiens, voilà un disque des Compagnons de la chanson que j'ai retrouvé avec grand plaisir. Ecoutez-moi ces paroles savamment pas intellectuelles pour deux sous, on appelait ça à l'époque de la chanson populaire:

Le jour se lève
Déjà le soleil
Chasse les rêves
Enfants du sommeil
Sur la grand-place
On entend marcher
Tous ceux qui font leur marché...


Bon, admettons-le, plus ringard, tu meurs. A ma décharge, ce disque correspond sans l'ombre d'un doute aux goûts de mon pôpa à l'époque, mais c'est vrai que j'aimais bien -- et d'ailleurs j'aime toujours, et avec d'autant plus de délectation que je sais bien que personne ne me suivra sur ce terrain-là.

Voici un disque de Paul Simon. Lui, il correspond aux goûts de ma soeur (mon aînée de trois ans, ce qui, quand on est ado, correspond presque à une génération entière).

The mama pajama
Rolled out of bed
And she ran to the police station
The papa said: Oh, if I get that boy
I'm gonna stick him in the house of detention


Ah, et puis voici quand même un disque contemporain de chez contemporain, correspondant, cas rarissime, à des chanteurs à qui je m'intéressais moi tout seul sans qu'on me l'ait conseillé: les Rita Mitsouko avec les No comprendo:

Les histoires d'A
Les histoires d'A
Les histoires d'amour finissent mal
En général...


(La sagesse de Manitou parle par ta bouche, Catherine)

Mais ce qui est le mieux représenté, et de loin, ce sont les goûts du pseudo-mélomane snobinard que j'essayais d'être à l'époque. Allez, je ne vais pas m'accabler outre mesure: certes, j'y mettais beaucoup de snobisme, mais je n'avais pas entièrement tort d'aimer écouter Jean-Pierre Rampal jouant des sonates pour flûte de Beethoven, pas tort non plus de placer Harold en Italie, de Berlioz, encore au-dessus de la Damnation de Faust du même Berlioz, qui n'est pourtant pas de la petite bière.

Ben ouais! C'est ça la musique que j'aimais, au temps des disques noirs. Comme disait fort justement Georges Courteline, "il vaut assurément mieux gâcher sa jeunesse que n'en rien faire du tout."

Eh bien, tout ça se convertit gentiment en MP3 (au fait, la petite vignette là-haut, c'est une copie d'écran d'Audacity), pour pas un rond et légalement quoi qu'en puisse penser la mère Hadopi, et j'ai donc bon espoir de pouvoir écouter jusqu'à la fin de mes jours quelques extraits de mes bons vieux disques noirs qui craquent.

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