jeudi 5 août 2010

Une remise de 8 euros, ça sert à vous en piquer 7

Ah, le génie du marketing! On a beau savoir qu'il existe de grandes écoles où l'on enseigne à longueur d'année l'art et la manière de nous piquer notre pognon sous le nez de la maréchaussée et avec sa bénédiction... on a beau le savoir, on s'y laisse toujours prendre avec grâce, parce que ces arnaques sont tellement bien exécutées qu'elles se hissent au rang des Beaux-Arts.


Tenez, par exemple. Voici un stand de DVD à prix sacrifiés dans un hypermarché (Carrefour de Rambouillet, pour ne pas le nommer). C'est l'été, les gens sont à la plage plutôt que devant leur téloche, alors pour faire quand même marcher le commerce on brade les rogatons invendables qui encombrent les stocks. Rien de répréhensible jusque là, me direz-vous.


Vous voyez l'idée sympathique: le DVD à la pièce vous est vendu 7 euros; mais si vous en prenez quatre, non seulement on ne vous facture ça que 20 euros au lieu de 4 x 7 = 28, mais en plus, Byzance, on vous donne un cinquième DVD. Mais c'est que voilà une offre qu'elle a presque l'air sympathique, non? Bon, le rabat-joie que je suis se dit qu'il serait peut-être plus simple d'avouer carrément qu'on vend cinq DVD pour 20 euros, mais bon, les gens du marketing sont ainsi faits qu'au lieu de déclarer platement qu'ils voudraient vous vendre treize oeufs, ils préfèrent pérorer avec style en chantant qu'ils vendent la douzaine et qu'ils donnent le treizième oeuf. Ca coûte exactement la même chose, mais c'est plus sympa, ça emploie le très beau mot de donner, tout plein de connotations positives, altruistes, qui remuent le vieux fond judéo-chrétien qui sommeille en nous.

Bon, à cheval donné on ne regarde pas s'il est borgne, et à DVD bradés on n'exige pas de la toute première qualité cinématographique: à l'évidence, ça ne va pas être des films d'auteur, mais plutôt des nanards hollywoodiens de série Z. Mais enfin, en cherchant bien, avec l'indulgence à laquelle incite le prix modeste...


Le jeu est donc de trouver cinq films pas trop médiocres dans tout ce boxon. Tiens, il y a quand même un truc pas nul du tout, le diptyque de Clint Eastwood, Mémoire de nos pères et Lettres d'Iwo Jima. En général, je n'aime pas trop les films de guerre, mais ceux-là sont intelligents; j'ai vu le premier, je sais que dans l'esprit de ce bon Clint il ne va pas sans le second... allez, soit, en voilà déjà deux. Tiens, il y a Bodyguard, avec Kevin Costner et Whitney Houston; un film commercial, certes, mais vraiment pas mal ficelé, qui me rappelle ma folle jeunesse car je l'ai vu en Bolivie lors de sa sortie (en Bolivie, j'allais voir tout ce qui passait car il ne passait pas grand-chose), et puis y a m'dame Houston qui est mimi et qui est une chanteuse à voix (au moins à l'époque, car depuis il paraît que ça s'est salement gâté); OK, voilà le troisième DVD. Mais pour le quatrième, y a vraiment plus grand-chose de sympa... Ah ouais, la Fureur de vivre; je vais très probablement me faire suer à le regarder, autant que quand j'ai vu A l'est d'Eden, parce que toute cuistrerie mise à part les problèmes de la jeunesse américaine des années cinquante, c'est quand même assez loin des préoccupations d'un quinquagénaire français de la deuxième décennie du troisième millénaire... mais bon, c'est un classique, c'est James Dean, respect; voilà donc mon quatrième DVD.

Pour le cinquième, là, je dois avouer, je sèche. Ce n'est pas qu'il n'y ait rigoureusement plus rien d'intéressant, mais le peu d'un peu intéressant était déjà en solde l'an dernier, voire il y a cinq ans, et par conséquent j'ai déjà depuis longtemps Vol au-dessus d'un nid de coucou qui est un film excellent, j'ai aussi US Marshalls qui n'est qu'un film commercial honnête (y a quand même Tommy Lee Jones et Robert Downey Jr., que j'aime bien tous les deux), et je possède même déjà I am a legend qui est un film commercial assez médiocre si ce n'est même franchement nul avec ses effets spéciaux de merde, malgré tout le talent de Will Smith... Et non, ah non, je ne vais pas prendre 300, non non non, ni Batman begins non plus, franchement non, même pas si c'est gratuit, sans façon; les séries B à la rigueur, mais les séries Z conçues pour les buveurs de bière phallocrates et immatures, non.

Allez, hop, prenons donc Sans plus attendre. Je crois que c'est un navet, mais signé Rob Reiner qui n'est quand même pas un crétin (When Harry met Sally, Stand by me), et avec Jack Nicholson et Morgan Freeman qui restent de grands acteurs même sur un scénario à deux balles (même que c'est pour ça qu'on fait appel à eux). Un, deux, trois, quatre, cinq DVD, le compte est bon, direction la caisse.


Et là, l'erreur fatale. Tout occupé que je suis à empaqueter à toute berzingue mes plats cuisinés Fleury-Michon, mon taboulé au poulet, mon sandwich saumon-cheddar, afin de ne pas ralentir le flot des Caddie (R) qui me suivent... j'omets de vérifier sur le ticket de caisse que la remise a bien été faite. Pourtant, je suis à Carrefour et je sais bien grâce à Daniel Mermet que Carrefour, c'est vraiment pas des gentils... mais bon, l'erreur est humaine. C'est seulement une fois arrivé chez moi, après avoir soigneusement rangé les DVD dans le frigo et le taboulé au poulet dans la DVDthèque, que je jette un oeil sur le ticket...


Attendez voir... Je n'ai plus fait de calcul mental depuis longtemps, mais je trouve quand même qu'il y a quétchoze qui cloche... 5 DVD à 7 euros = 35 euros, et si la remise est de 8 euros, ça nous fait 35 - 8 = 27 euros. Mais pourtant, vertuchou, on m'avait bien annoncé 20 euros, non, chuis pas fou? Et que je te redonne un coup d'oeil sur les stickers apposés sur chaque DVD...


Ben quoi... Ca dit bien que le 5e DVD est offert, non? Comment se fait-il qu'on me l'ait fait payer plein pot, alors? Je l'ai d'autant plus saumâtre que ce 5e DVD, en réalité, je n'en avais à peu près rien à fiche...

Et puis j'y regarde de plus près... mais alors vraiment de plus près: le nez collé sur le sticker. Et devant mes yeux ébahis...


Oh les nom de Dieu de salauds d'enfoirés du marketing de merde. Le coup des petits caractères! Vieux comme le monde... et inusable, visiblement. La mention est en corps 5 gras étroitisé, c'est-à-dire rigoureusement illisible, mais en effet elle est là. Et sur le stand, elle y était aussi, avec la même disproportion de caractères, et soigneusement placée à hauteur des chevilles, allez, soyons sympa, quelque part entre les chevilles et les genoux, tout à fait à l'endroit où le regard a l'habitude de chercher les renseignements utiles, quoi.

Bon. J'ai le sens de l'humour, j'aime bien rigoler, je suis beau perdant... Mais là, too much is too much. Ca, ce n'est pas une grosse ficelle commerciale. Ca, c'est bel et bien de l'arnaque. De la malhonnêteté caractérisée. Du vol. Le salopard qui a choisi cette typo, on ne me fera jamais avaler qu'il l'a prise si petite parce qu'il trouvait ça joli: il l'a choisie délibérément dans le but de tromper le chaland, et de l'amener à acheter au prix fort ce cinquième DVD qui était censé être offert.

J'ai pris la foumette, comme disait mon grand-père (c'est du patois savoyard; ça veut dire à peu près, comme dans les dessins animés de Tex Avery, que je me suis tellement mis en colère que de petites fumées me sortaient par les oreilles). Je suis retourné illico à Carrefour et ai déclaré à la bonne dame de l'accueil que je la priais d'appeler son chef, parce que j'avais envie d'insulter quelqu'un et que tant qu'à faire j'aimais mieux que ça ne soit pas un lampiste qui trinque. On m'a envoyé le chef du rayon DVD, c'est-à-dire un autre sous-fifre un peu moins sous-payé, et qui s'est montré d'une amabilité assez réduite ("A un moment donné, monsieur, il faut apprendre à lire"). A sa décharge, je dois admettre que c'est assurément moi qui ai élevé la voix le premier... mais putain y a de quoi, je m'excuse mais merde: 7 euros d'arnaque sur une offre censée être à 20 euros, et pour me faire payer au prix fort un DVD auquel je ne m'intéressais pas du tout... Chiotte. Merde. Fait chier. Chuis pas d'acc. Ah non, merde, non, ça passe pas.

Je vous entends: fallait te faire rembourser. Bien sûr qu'ils ont proposé (oh, pas tout de suite, loin de là) de me rembourser. Mais je les ai envoyés péter, en leur disant ceci, que je maintiens: si une caissière m'avait piqué sept euros, il ne lui suffirait pas de rembourser, elle serait bel et bien foutue à la porte avec un pied au cul -- et au fond ce serait bien normal. Mais le salopard encravaté du marketing qui a conçu ces stickers minuscules avec la typo en corps 5 et ces stands avec la mention pertinente en blanc sur fond jaune à hauteur des chevilles, matériel diffusé dans tous les magasins Carrefour de France, ce mec-là ne sera jamais sanctionné. Je parierais même qu'il est payé au pourcentage, et grassement, l'australopithèque, le fils de morue, l'excrément du libéralisme moderne. Eh bien moi je dis que la place de ce salopard, et surtout des patrons de ce salopard, est bel et bien en prison, avec les autres voleurs. Que le diable les emporte, que la peste les croquelarde, puissent-ils tous se faire écraser par des palettes de cuisinières quatre feux. J'essaie de rigoler, mais je trouve ça carrément... pas drôle que des malfaiteurs aussi vils se promènent en liberté et aient pignon sur rue.

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