mardi 10 février 2009

Toute généralisation est abusive


Les esprits facétieux ou simplement logiques auront noté tout de suite que le titre de cette notule est autocontradictoire, un peu à la façon du célèbre "il est interdit d'interdire". Bien entendu, ce titre est une boutade, que je corrige, et au lieu de dire comme le farceur que je suis en meurt d'envie "toute généralisation est abusive y compris celle-ci", j'énoncerai sérieusement le thème de ma causerie philosophique du jour: "La plupart des généralisations sont abusives (mais pas celle-là)".

Pourquoi te raconté-je cela, chère petite planète Internet? Parce que je suis tombé ce matin (par un cheminement qu'il serait fastidieux d'expliquer) sur ce hadith authentique ou supposé:

"Toute innovation est un égarement."

Je ne sais pas si Mahomet a vraiment dit ça, si c'est bien traduit, si c'est sorti de son contexte... Mais en tout cas c'est un propos fréquemment cité par des musulmans désireux de clore une discussion religieuse qu'ils jugent oiseuse par un argument d'autorité (tentative bien sûr toujours vaine, mais c'est un autre débat). Exemple (et justification de la petite photo ci-dessus): est-il pieux ou non de prier avec un chapelet? Eh bien vous trouverez sans chercher beaucoup des musulmans pour vous expliquer que non, ce n'est pas pieux, c'est une très mauvaise idée, vu que la tradition rapporte que le Prophète priait en comptant les prières avec les doigts de sa main droite; ergo utiliser un chapelet pour compter les prières est une innovation religieuse, ergo c'est mauvais car - allons-y pour le syllogisme -: majeure, toute innovation est un égarement; mineure, le chapelet est une innovation; conclusion, ergo le chapelet est un égarement, CQFD.

Que les docteurs musulmans ou prétendus tels me pardonnent de les faire raisonner avec des mots latins, un syllogisme grec et quatre lettres de matheux français, mais c'était juste pour indiquer la démarche intellectuelle générale. Quant à savoir s'il est pieux de prier avec un chapelet ou non, je laisse aux savants oulémas le droit d'en décider car, avouons-le, l'agnostique que je suis a tendance à s'en fiche éperdument.

Mais bon. "Toute innovation est un égarement." Vingt dieux (si j'ose dire au risque d'offenser les monothéistes), en voilà-t-il une belle généralisation qu'elle coupe les pattes de la liberté d'innover, voire de la liberté tout court. Qu'est-ce que ça doit être jouissif de clouer le bec aux contradicteurs avec une belle généralisation comme ça.

Pour ne pas me moquer exclusivement des musulmans qui ne m'ont rien fait, je vais un peu taper sur les chrétiens, et tout particulièrement les pauliniens, les adorateurs des conneries de notre prophète Saul de Tarse, avec ses deux généralisations bien généralisantes et bien connes, que j'aime tant: "Tout pouvoir est inspiré de Dieu" (pensez à Néron, à Attila, à Pol Pot) et "Toute écriture est inspirée de Dieu" (pensez à Libération, au Figaro... ou à ce blog).

Mon Dieu mon Dieu mon Dieu (si j'ose dire au risque d'offenser les athées), mais comment peut-on dire des conneries pareilles.

Et pourtant il y en a, de vraies grosses belles généralités, comme celle de mon pote Archimède: "Tout corps plongé dans un liquide..."; celle de mon pote Euclide: "Pour tout triangle rectangle, le carré de l'hypoténuse..."; et même, pour me citer moi-même (si parva licet componere magnis*), "Tout triangle ayant deux voisins d'une même couleur prend lui-même cette couleur".

A la décharge du Prophète, qu'il me soit permis de noter que le principe "toute innovation est un égarement" n'est pas inintéressant à considérer en mathématiques: on peut certes y faire des découvertes récentes, mais on ne saurait y aboutir à des vérités que l'on puisse considérer comme nouvelles, pas même quand on raisonne sur de nouveaux postulats: même fondées sur de nouveaux postulats, les démonstrations mathématiques ne sont pas plus valides aujourd'hui qu'elles ne l'auraient été du temps de Mahomet ou de Pythagore, ergo aucune démonstration mathématique juste n'est jamais à proprement parler une innovation. D'ailleurs quand ma prof de maths me disait, l'air narquois, "c'est nouveau, ça!" pour commenter un résultat qui m'avait demandé deux heures à calculer, je savais bien que c'était toujours pour se payer ma fiole.

(*) Avec plein de barbarismes et de solécismes gratuits, je vous offre cette jolie locution latine qui signifie: "S'il est permis de comparer les petits aux grands".

dimanche 8 février 2009

Gallardon, son église, son donjon, son cimetière


Comme je n'avais guère d'inspiration ni de temps pour cette notule, je pensais vous raconter deux ou trois choses que je crois savoir du grand Pierre Bézier (photo ci-contre), l'homme des courbes, celui qui a changé à jamais l'aspect de tous les objets industriels - et qui en plus était français, ce qui réjouit mon chauvinisme foncier. Mais bon, à quoi bon s'approprier des informations que d'autres que moi ont déjà publiées sur le web, ici, ici et ?

Je me bornerai donc à mettre l'accent sur un détail que j'ignorais mais qui me procure une satisfaction bien niaise: Pierre Bézier, mort il y a presque dix ans, est presque mon voisin, puisqu'il est enterré à Gallardon, à une quinzaine de kilomètres de chez moi. Je connais bien Gallardon. Quand j'étais ado, il m'arrivait souvent d'y aller et d'en revenir, à vélo, à la fin des journées d'été. C'était une belle promenade que mes mollets paresseux parvenaient à faire sans trop se forcer, car dès la mi-chemin je voyais de loin le vieux donjon ou plutôt le très peu qu'il en reste, le clocher de la très belle église (dans lequel je suis même parvenu à monter, en resquillant un jour où on y faisait des travaux), et cela me motivait pour terminer le voyage. Gallardon n'est pas plus loin qu'avant mais je pensais pourtant ne plus jamais me risquer à pareille aventure car hélas, depuis mon jeune temps, la route à moitié pourrie qui y menait a été odieusement améliorée et élargie, en sorte que pour le cycliste que je suis non seulement elle a perdu tout son charme mais surtout elle est devenue assez dangereuse: les bagnoles y foncent sans crainte des radars et donc sans la moindre considération pour les limitations de vitesse - et malheur au cycliste nonchalant qui s'y promène. Eh bien je retournerai quand même à Gallardon, en pèlerinage, sur la tombe du grand Pierre Bézier, en priant ce grand saint mathématique de veiller sur moi à l'aller et au retour ou, à défaut, de m'accueillir en son saint paradis plein de courbes lisses et voluptueuses.

C'est fou la quantité de conneries qu'un blog vous fait écrire. Qu'à cela ne tienne, chère petite planète Internet, intéresse-toi à Pierre Bézier: c'est un vrai grand bonhomme qui a marqué la civilisation bien plus profondément que beaucoup, sans esbroufe, sans faire de bruit, simplement en étudiant un problème intelligemment et en faisant connaître ses conclusions. C'est avec des gens comme ça qu'on construit la civilisation, et ce grand homme vaut bien un pèlerinage à Gallardon (qui est de toute façon un charmant patelin plein d'histoire et de belles pierres).

samedi 7 février 2009

On est fliqués !


Ention et damnafer! Ce blog, fondé mardi et tout expérimental qu'il est, est repéré dès le samedi suivant par Google! Je viens d'en faire l'expérience ce matin: demandez "Triancey" à Gogol, zou, en moins de deux il vous indique le très beau site du très beau jeu Triancey et les innombrables pages web (enfin, il y en a une) qui en parlent, et ça c'est absolument normal, mais il vous dirige aussi vers ce minable petit blog homonyme de rien du tout. Horreur et désespoir, c'en est fini de mon confortable anonymat. Gnia pas moyen d'être tranquille cinq minutes.

Ca ne me surprend pas vraiment, cela dit: Blogger appartenant à Google, il aurait fallu qu'il soit un peu crétin pour ne pas penser à indexer un contenu qu'il stocke sur ses propres disques durs. Mais quand même, je me berçais de l'illusion qu'il attendrait qu'un lien sur une page web quelconque pointe dessus... Eh bien non, chère petite planète Internet: à part moi, et toi à qui je m'adresse par rhétorique, absolument personne n'était censé être au courant de l'existence de ces pages dépourvues d'intérêt. Tant pis! Elles sont quand même déjà indexées, faudra s'y faire.

Google, c'est comme feu la Samaritaine (et pardon pour cet accès de parisianisme, mais bon, c'est un fait, je suis parisien): on y trouve tout, mais on y trouve beaucoup plus facilement n'importe quoi que tout.

vendredi 6 février 2009

Le voyage de M. Dugenou


Quand le vieux con que je suis était petit, on ne nous rebattait pas encore les oreilles des vertus de la loi de l'offre et de la demande, mais on avait quand même déjà rencontré la modernité et le progrès sous la forme des chemins de fer. En ces temps anciens, chère petite planète Internet, les crains étaient tirés par de belles locomotives à vapeur qui faisaient tchouk-tchouk, sentaient le charbon, faisaient de la fumée et donnaient de joyeux coups de sifflet en traversant les campagnes. Alors les indigènes de nos provinces les regardaient passer avec le même regard vide que celui de leurs propres vaches, ils leurs faisaient coucou de la main et ils rêvaient d'avoir un jour assez d'argent pour se payer une place dans le monstre de fer.

Le crain, ce n'était pas très cher; ça coûtait tant du kilomètre parcouru. Tu allais à cent kilomètres, tu payais tant; tu allais à deux cent cinquante kilomètres, tu payais deux virgule cinq fois autant. Et c'était comme ça cinquante-deux semaines par an, sept jours sur sept et vingt-quatre heures par jour. Le prix était fonction de la distance, et c'était tellement simple qu'on nous en faisait des problèmes de calcul à l'école publique, gratuite, laïque et obligatoire.

"M. Dugenou, qui est voyageur représentant placier, va devoir pour ses affaires parcourir l'itinéraire Paris - Limoges - Bordeaux - Toulouse - Sète - Marseille - Lyon - Dijon - Paris. Ces étapes mesurent 230 km en moyenne. Sachant que la SNCF facture 30 anciens francs du kilomètre parcouru, calcule et exprime en francs nouveaux la somme que M. Dugenou devra débourser pour effectuer son voyage."

Et le vieux con que j'étais, qui était aussi le premier de la classe, répondait aussi sec: "Il y a huit étapes et non pas neuf car c'est un problème d'intervalles classique, la distance totale est donc de 230 km fois huit, je pose zéro, trois fois huit 24 je pose 4 je retiens 2, deux fois huit seize et deux 18, la distance totale parcourue par monsieur Dugenou est donc de 1840 km, que multiplie le tarif de 30 anciens francs du kilomètre, ça nous fait au total... je pose les deux zéros, trois fois quatre douze je pose 2 je retiens 1, trois fois huit vingt-quatre et un vingt-cinq je pose 5 je retiens 2, trois fois un trois et deux cinq, ça nous fait 55200 anciens francs, soit 552 nouveaux francs."

Et ouais! On savait le faire!

Si aujourd'hui monsieur Dugenou voulait préparer le même voyage, monsieur Dugenou devrait connaître non seulement la date, mais aussi l'heure de son Paris-Limoges, de son Limoges-Bordeaux, de son Bordeaux-Toulouse, de son Sète-Marseille, de son Marseille-Lyon, etc. Il devrait choisir l'heure en fonction du tarif, sous peine de subir des écarts de prix allant du simple au triple (oui oui: au triple, je ne déconne pas). Il devrait passer à tout le moins une bonne heure à se battre avec le beau site web de la SNCF pour réussir à lui expliquer tout ça sans se gourrer. Il recevrait huit beaux fichiers PDF non échangeables non remboursables, qu'il n'aurait plus qu'à imprimer. Chez lui, hein, la SNCF ne va quand même pas engager des frais en le faisant elle-même.

M. Dugenou pourrait aussi juger plus simple d'acheter une bagnole. A sa place, c'est ce que je ferais.

Je n'aimerais pas être l'instituteur chargé de demander aux élèves de 2009 de calculer le prix du billet de M. Dugenou.

jeudi 5 février 2009

Sic transit gloria mundi


Or ça, chère petite planète Internet, en ce jour d'huy jeudi 5 février 2009, je vais t'entretenir du roi Pûru, dont moi-même j'ignorais jusqu'au nom hier. Ci-contre, tu vois son portrait, sur une gravure inspirée d'un tableau de Charles Le Brun peint en 1673. Il est peu probable que le portrait soit ressemblant, car le sieur Pûru, moins inconnu en France sous le nom de Porus, est resté dans l'histoire pour avoir mené contre Alexandre le Grand (ah, lui, je suis sûr que tu le connais, chère petite planète) une super belle bataille avec des néléphants et tout et tout, en 326 avant Jésus-Christ. Ça nous rajeunit pas. Beaucoup beaucoup plus tard, Jean Racine (tu le connais?) en fit le personnage central de sa tragédie Alexandre le Grand, laquelle j'ai lue hier dans l'édition de La Pléiade de mon pôpa (qui est agrégé de lettres à la retraite). Pûru régnait quelque part sur le territoire de l'actuel Pakistan, et peut-être même habitait-il ce qui est aujourd'hui Lahore, capitale actuelle du Panjâb, le pays des Sikhs, mais ne mélangeons pas tout parce que les Sikhs sont apparus rudement après la bataille de l'Hydaspe dont que je te causais ci-dessus - et il est vrai un peu avant Jean Racine mais je ne sais pas si ce dernier était au courant et d'ailleurs c'était le cadet de ses soucis. Ça va, tu suis? Je continue. Pûru tint tête à Alexandre et à l'armée macédonienne avec des éléphants de guerre d'une part, un rare courage d'autre part, et Alex en fut si fort impressionné qu'après l'avoir vaincu, il le replaça sur son trône et agrandit même son territoire. C'est-il pas beau? Si fait. Ce fut en tout cas l'opinion de Jean Racine qui en fit une tragédie aujourd'hui presque oubliée et décriée par ceux-là même qui la connaissent, sauf moi: j'ai lu ça hier, et j'en ai été presque aussi enthousiasmé que les contemporains de Racine: vingt dieux si c'est du beau français, c'est pas moi que je saurais causer aussi joliment, nom de Guieu.

Bon, ben voilà, chère petite planète. Grâce à moi le souvenir de ce grand et noble roi perdure un tantinet, et ta culture s'étoffe un brin. Par ailleurs, ça me fournit le sujet d'une notule sur ce blog, donc tout le monde est content.

mercredi 4 février 2009

Powerpoint et MP3


Quoi de plus ennuyeux qu'un diaporama Powerpoint, surtout quand il est écrit en Arial sur fond blanc? Même quand le bazar a été concocté par un professeur du Collège de France (Gérard Berry), ça reste a priori un sommet d'illisibilité. Seulement quand ce "support de cours" est accompagné du cours lui-même, déclamé avec la vraie voix du vrai professeur, ça acquiert tout de suite un tout autre poids. Le PDF est là, le MP3 correspondant est là. L'un ne va pas sans l'autre, mais les deux ensemble sont largement aussi intéressants que la plupart des vidéos que tu télécharges à longueur de journée sur YouTube, chère petite planète Internet.

mardi 3 février 2009

Je ne voudrais pas vous décevoir


Bonjour, aimable planète Internet. J'ignore par quel obscur cheminement (Google, bouche à oreille?) tu es arrivée jusqu'ici, mais je te sens avide d'apprendre plein de choses sur Triancey, sa vie, son oeuvre, ses idées fumeuses et ses petites manies. Ta curiosité est bien légitime, chère petite planète, et je ne voudrais pas la décevoir... mais il y a un mais.

Le mais, c'est que je n'ai pas d'idée précise, voire pas d'idée du tout, de ce que je vais raconter ici. Certes, je suis assez amoureux de mon nombril d'une façon générale pour trouver facilement matière à remplir ces pages, mais je n'ai pas créé ce blog pour parler de mon nombril, ni d'ailleurs de rien du tout. A la date d'aujourd'hui, mardi 3 février de l'an de grâce deux mille neuf, je suis ici pour un motif certes très légitime, mais qui ne te concerne en rien: je veux juste voir comment fonctionne un blog, car une copine à moi m'a demandé de l'aider à fonder le sien. C'est tout! Donc, quelle que soit l'idée que tu as derrière la tête en venant farfouiller ici, sois bien assurée que pour le moment, ce qui me préoccupe n'a pas grand-chose à voir avec ta choucroute.

Mais bon, on cause, on cause, et l'air de rien on se dévoile... Je viens déjà de t'éclairer sur un aspect de ma personnalité, chère petite planète: je suis ce qu'on appelle un bidouilleur informatique (d'aucuns disent un geek, en franglais supposé). J'ai ce pouvoir étrange de comprendre plus facilement que d'autres le baratin technologique (ce qui ne veut certes pas dire que j'y comprends tout, et encore bien moins que je trouve toujours ça intéressant), et ce pouvoir, joint à mon affabilité naturelle, se transforme souvent en ma malédiction: chaque fois qu'une connaissance à moi a le moindre démêlé avec une technologie quelconque, vlan, ça rate pas, c'est à moi de comprendre, y compris quand ça ne m'intéresse pas le moins du monde.

Cette fois-ci, avec la technologie bloguesque, je ne suis pas trop mal loti: ça m'intéresse un petit poil. Mais mes commensaux n'hésitent pas à recourir à mon omniscience technologique supposée pour me demander d'ouvrir les paquets de cacahuètes récalcitrants, programmer les magnétoscopes et les séquences d'essorage des machines à laver, récupérer les carnets d'adresses de leurs vieux téléphones mobiles, remettre à l'heure leurs récepteurs GPS-station météo, changer les cartouches de leurs stylos quatre couleurs, coller des rustines sur leurs chambres à air, décrypter la notice de montage d'un lit pliant moldovalaque acheté à la Camif, etc. Chaque fois qu'il y a quelque chose de rasoir et d'imbitable à comprendre, vlan, on fiche ça dans les pattes de bibi.

Mais, chère petite planète, il faut que j'interrompe cette logorrhée: le devoir m'appelle, il faut que j'essaie de sauvegarder ce texte. Porte-toi bien et à bientôt peut-être (ceci n'est pas une promesse d'alimenter ce blog, en aucune façon).