vendredi 12 novembre 2010

Triancey et sa nouvelle variante "selacata"

Ce texte est un peu long (quoique plein d'intérêt...). Mais vous pouvez avantageusement lire à la place un joli PDF très clair et pédagogique, et de surcroît plein de belles images.

Vous préférez vous contenter d'un texte sans illustrations? Allons-y.

Le jeu logique Triancey consiste à déclencher des réactions en chaîne sur une grille carrée découpée en quelques dizaines de triangles. Ce jeu a fait son apparition sur le web il y a moins de deux ans, et en dépit de sa grande élégance mathématique (c'est l'inventeur du jeu qui rédige ces lignes...), sa première version n'a pas rencontré le succès. Il est vrai que, bien qu'on joue à ce jeu sur ordinateur, son esprit n'est nullement celui d'un jeu vidéo; il mérite beaucoup plus d'être comparé à des jeux de plateau traditionnels aux règles simples -- comme le go, les dames, Othello ou l'awale. Il est fait pour les happy few qui aiment se creuser la tête et démontrer leur intelligence.

Son ambition, elle aussi désespérément classique, est d'amuser deux êtres humains jouant l'un contre l'autre -- mais le jeu contre l'ordinateur est quand même possible.

L'inventeur du jeu en lance à présent sur le web une nouvelle version, d'abord baptisée "archipel" pour des raisons... que vous découvrirez (le PDF dont je vous ai donné l'adresse explique vraiment ça très bien), mais aujourd'hui rebaptisé "selacata"... pour des raisons que vous ne tarderez pas non plus à découvrir, d'ailleurs! Cette variante est très améliorée, plus difficile mais aussi bien plus spectaculaire et par là-même beaucoup plus amusante.

L'existence d'un adversaire informatique de référence vous aidera grandement à découvrir l'intérêt du jeu. Cet adversaire est disponible 365 jours sur 7 et même à trois heures du matin. Il est d'une patience d'ange et vous laissera réfléchir autant que vous le voulez, y compris plusieurs jours si vous le souhaitez (vous pouvez toujours reprendre une partie interrompue, même si entre-temps vous avez éteint votre ordinateur). Cela dit, les joueurs un peu expérimentés jouent généralement une partie en une vingtaine de minutes.

Par l'intermédiaire de ce joueur informatique "standard", les joueurs humains peuvent évaluer leurs forces respectives de façon très précise. En effet, le site web archive, et classe avec la méticulosité d'un moine bénédictin, tous les scores et même le déroulé de toutes les parties de tous les joueurs! Ces parties peuvent être consultées graphiquement, même des mois après qu'elles ont été jouées. L'extrême simplicité de la règle du jeu permet en effet que cet archivage soit très peu gourmand en ressources.

Toutes les semaines, le meilleur joueur de la planète Internet est identifié -- et la consultation de ses parties sert de modèle aux autres.

Tout ça est absolument gratuit. Il n'y a pas de pub. Il n'y a pas de piège non plus. L'objectif du site web est exclusivement de permettre aux joueurs humains de découvrir le jeu et de se mesurer les uns aux autres. A plus long terme, l'inventeur du jeu espère que ce site servira de point de ralliement pour que les joueurs habitant à proximité les uns des autres puissent se regrouper en associations et s'affronter enfin "in real life". Mais on n'en est pas encore là.

Voilà. Bonne lecture, bonnes parties... et à bientôt j'espère. :-)

jeudi 5 août 2010

Une remise de 8 euros, ça sert à vous en piquer 7

Ah, le génie du marketing! On a beau savoir qu'il existe de grandes écoles où l'on enseigne à longueur d'année l'art et la manière de nous piquer notre pognon sous le nez de la maréchaussée et avec sa bénédiction... on a beau le savoir, on s'y laisse toujours prendre avec grâce, parce que ces arnaques sont tellement bien exécutées qu'elles se hissent au rang des Beaux-Arts.


Tenez, par exemple. Voici un stand de DVD à prix sacrifiés dans un hypermarché (Carrefour de Rambouillet, pour ne pas le nommer). C'est l'été, les gens sont à la plage plutôt que devant leur téloche, alors pour faire quand même marcher le commerce on brade les rogatons invendables qui encombrent les stocks. Rien de répréhensible jusque là, me direz-vous.


Vous voyez l'idée sympathique: le DVD à la pièce vous est vendu 7 euros; mais si vous en prenez quatre, non seulement on ne vous facture ça que 20 euros au lieu de 4 x 7 = 28, mais en plus, Byzance, on vous donne un cinquième DVD. Mais c'est que voilà une offre qu'elle a presque l'air sympathique, non? Bon, le rabat-joie que je suis se dit qu'il serait peut-être plus simple d'avouer carrément qu'on vend cinq DVD pour 20 euros, mais bon, les gens du marketing sont ainsi faits qu'au lieu de déclarer platement qu'ils voudraient vous vendre treize oeufs, ils préfèrent pérorer avec style en chantant qu'ils vendent la douzaine et qu'ils donnent le treizième oeuf. Ca coûte exactement la même chose, mais c'est plus sympa, ça emploie le très beau mot de donner, tout plein de connotations positives, altruistes, qui remuent le vieux fond judéo-chrétien qui sommeille en nous.

Bon, à cheval donné on ne regarde pas s'il est borgne, et à DVD bradés on n'exige pas de la toute première qualité cinématographique: à l'évidence, ça ne va pas être des films d'auteur, mais plutôt des nanards hollywoodiens de série Z. Mais enfin, en cherchant bien, avec l'indulgence à laquelle incite le prix modeste...


Le jeu est donc de trouver cinq films pas trop médiocres dans tout ce boxon. Tiens, il y a quand même un truc pas nul du tout, le diptyque de Clint Eastwood, Mémoire de nos pères et Lettres d'Iwo Jima. En général, je n'aime pas trop les films de guerre, mais ceux-là sont intelligents; j'ai vu le premier, je sais que dans l'esprit de ce bon Clint il ne va pas sans le second... allez, soit, en voilà déjà deux. Tiens, il y a Bodyguard, avec Kevin Costner et Whitney Houston; un film commercial, certes, mais vraiment pas mal ficelé, qui me rappelle ma folle jeunesse car je l'ai vu en Bolivie lors de sa sortie (en Bolivie, j'allais voir tout ce qui passait car il ne passait pas grand-chose), et puis y a m'dame Houston qui est mimi et qui est une chanteuse à voix (au moins à l'époque, car depuis il paraît que ça s'est salement gâté); OK, voilà le troisième DVD. Mais pour le quatrième, y a vraiment plus grand-chose de sympa... Ah ouais, la Fureur de vivre; je vais très probablement me faire suer à le regarder, autant que quand j'ai vu A l'est d'Eden, parce que toute cuistrerie mise à part les problèmes de la jeunesse américaine des années cinquante, c'est quand même assez loin des préoccupations d'un quinquagénaire français de la deuxième décennie du troisième millénaire... mais bon, c'est un classique, c'est James Dean, respect; voilà donc mon quatrième DVD.

Pour le cinquième, là, je dois avouer, je sèche. Ce n'est pas qu'il n'y ait rigoureusement plus rien d'intéressant, mais le peu d'un peu intéressant était déjà en solde l'an dernier, voire il y a cinq ans, et par conséquent j'ai déjà depuis longtemps Vol au-dessus d'un nid de coucou qui est un film excellent, j'ai aussi US Marshalls qui n'est qu'un film commercial honnête (y a quand même Tommy Lee Jones et Robert Downey Jr., que j'aime bien tous les deux), et je possède même déjà I am a legend qui est un film commercial assez médiocre si ce n'est même franchement nul avec ses effets spéciaux de merde, malgré tout le talent de Will Smith... Et non, ah non, je ne vais pas prendre 300, non non non, ni Batman begins non plus, franchement non, même pas si c'est gratuit, sans façon; les séries B à la rigueur, mais les séries Z conçues pour les buveurs de bière phallocrates et immatures, non.

Allez, hop, prenons donc Sans plus attendre. Je crois que c'est un navet, mais signé Rob Reiner qui n'est quand même pas un crétin (When Harry met Sally, Stand by me), et avec Jack Nicholson et Morgan Freeman qui restent de grands acteurs même sur un scénario à deux balles (même que c'est pour ça qu'on fait appel à eux). Un, deux, trois, quatre, cinq DVD, le compte est bon, direction la caisse.


Et là, l'erreur fatale. Tout occupé que je suis à empaqueter à toute berzingue mes plats cuisinés Fleury-Michon, mon taboulé au poulet, mon sandwich saumon-cheddar, afin de ne pas ralentir le flot des Caddie (R) qui me suivent... j'omets de vérifier sur le ticket de caisse que la remise a bien été faite. Pourtant, je suis à Carrefour et je sais bien grâce à Daniel Mermet que Carrefour, c'est vraiment pas des gentils... mais bon, l'erreur est humaine. C'est seulement une fois arrivé chez moi, après avoir soigneusement rangé les DVD dans le frigo et le taboulé au poulet dans la DVDthèque, que je jette un oeil sur le ticket...


Attendez voir... Je n'ai plus fait de calcul mental depuis longtemps, mais je trouve quand même qu'il y a quétchoze qui cloche... 5 DVD à 7 euros = 35 euros, et si la remise est de 8 euros, ça nous fait 35 - 8 = 27 euros. Mais pourtant, vertuchou, on m'avait bien annoncé 20 euros, non, chuis pas fou? Et que je te redonne un coup d'oeil sur les stickers apposés sur chaque DVD...


Ben quoi... Ca dit bien que le 5e DVD est offert, non? Comment se fait-il qu'on me l'ait fait payer plein pot, alors? Je l'ai d'autant plus saumâtre que ce 5e DVD, en réalité, je n'en avais à peu près rien à fiche...

Et puis j'y regarde de plus près... mais alors vraiment de plus près: le nez collé sur le sticker. Et devant mes yeux ébahis...


Oh les nom de Dieu de salauds d'enfoirés du marketing de merde. Le coup des petits caractères! Vieux comme le monde... et inusable, visiblement. La mention est en corps 5 gras étroitisé, c'est-à-dire rigoureusement illisible, mais en effet elle est là. Et sur le stand, elle y était aussi, avec la même disproportion de caractères, et soigneusement placée à hauteur des chevilles, allez, soyons sympa, quelque part entre les chevilles et les genoux, tout à fait à l'endroit où le regard a l'habitude de chercher les renseignements utiles, quoi.

Bon. J'ai le sens de l'humour, j'aime bien rigoler, je suis beau perdant... Mais là, too much is too much. Ca, ce n'est pas une grosse ficelle commerciale. Ca, c'est bel et bien de l'arnaque. De la malhonnêteté caractérisée. Du vol. Le salopard qui a choisi cette typo, on ne me fera jamais avaler qu'il l'a prise si petite parce qu'il trouvait ça joli: il l'a choisie délibérément dans le but de tromper le chaland, et de l'amener à acheter au prix fort ce cinquième DVD qui était censé être offert.

J'ai pris la foumette, comme disait mon grand-père (c'est du patois savoyard; ça veut dire à peu près, comme dans les dessins animés de Tex Avery, que je me suis tellement mis en colère que de petites fumées me sortaient par les oreilles). Je suis retourné illico à Carrefour et ai déclaré à la bonne dame de l'accueil que je la priais d'appeler son chef, parce que j'avais envie d'insulter quelqu'un et que tant qu'à faire j'aimais mieux que ça ne soit pas un lampiste qui trinque. On m'a envoyé le chef du rayon DVD, c'est-à-dire un autre sous-fifre un peu moins sous-payé, et qui s'est montré d'une amabilité assez réduite ("A un moment donné, monsieur, il faut apprendre à lire"). A sa décharge, je dois admettre que c'est assurément moi qui ai élevé la voix le premier... mais putain y a de quoi, je m'excuse mais merde: 7 euros d'arnaque sur une offre censée être à 20 euros, et pour me faire payer au prix fort un DVD auquel je ne m'intéressais pas du tout... Chiotte. Merde. Fait chier. Chuis pas d'acc. Ah non, merde, non, ça passe pas.

Je vous entends: fallait te faire rembourser. Bien sûr qu'ils ont proposé (oh, pas tout de suite, loin de là) de me rembourser. Mais je les ai envoyés péter, en leur disant ceci, que je maintiens: si une caissière m'avait piqué sept euros, il ne lui suffirait pas de rembourser, elle serait bel et bien foutue à la porte avec un pied au cul -- et au fond ce serait bien normal. Mais le salopard encravaté du marketing qui a conçu ces stickers minuscules avec la typo en corps 5 et ces stands avec la mention pertinente en blanc sur fond jaune à hauteur des chevilles, matériel diffusé dans tous les magasins Carrefour de France, ce mec-là ne sera jamais sanctionné. Je parierais même qu'il est payé au pourcentage, et grassement, l'australopithèque, le fils de morue, l'excrément du libéralisme moderne. Eh bien moi je dis que la place de ce salopard, et surtout des patrons de ce salopard, est bel et bien en prison, avec les autres voleurs. Que le diable les emporte, que la peste les croquelarde, puissent-ils tous se faire écraser par des palettes de cuisinières quatre feux. J'essaie de rigoler, mais je trouve ça carrément... pas drôle que des malfaiteurs aussi vils se promènent en liberté et aient pignon sur rue.

lundi 15 mars 2010

Mon logiciel, c'est mon talent


Voilà ce que je sais faire quand on me laisse quinze jours.

Je ne crois pas que je vous aie beaucoup manqué, chers lecteurs inexistants, mais la raison pour laquelle j'ai disparu quelque temps de la toile, c'est que j'étais occupé à construire le joli site web représenté sur la vignette illustrant cette notule. Le site complet, intitulé Argent lucide, est d'ailleurs consultable en ligne pour que vous voyiez que je ne bluffe pas. Argent lucide est ce que l'on appelle dans les écoles de journalisme un "journal-école" (en l'occurrence, un "webzine-école"), c'est-à-dire une pseudo-publication imitant d'aussi près que possible un vrai journal, et créée à partir de rien en un temps record par une équipe d'étudiants journalistes, pour faire comprendre à ces derniers la puissance et les contraintes du travail en équipe.

Argent lucide a l'aspect d'un vrai webzine, le contenu d'un vrai webzine mais... ce n'est pas un vrai webzine, car il n'aura vraisemblablement jamais de numéro 2. Par ailleurs, il n'a pas de budget, pas de financement, son lectorat est purement fantasmé (en théorie, ce webzine est lu par des gens ayant à la fois de l'argent et une conscience, d'où son titre; mais inutile de dire que des zozos pareils, ça n'existe pas dans la vraie vie). Cela dit, ce canard fictif contient de vrais articles réalisés avec un vrai travail journalistique par la douzaine de stagiaires que je coordonne (je ne suis pas tout seul à le faire, soit dit en passant), lesquels n'ont certes pas encore beaucoup de bouteille mais sont déjà capables de recueillir et de mettre en forme des informations (en les agrémentant, il est vrai, d'un paquet de fautes d'orthographe).

Joli travail, non? Ca n'a-t-il pas un aspect professionnel en diable? Mais si mais si, absolument (je réponds à votre place, chers lecteurs, on gagnera du temps). C'est assurément dû en très grande partie au boulot journalistique de mes stagiaires, mais leur création était livrée sous forme d'une ribambelle de fichiers Word accompagnés de quelques photos numériques en bordel -- c'est-à-dire qu'avant que je m'en occupe ça ressemblait furieusement à un gros tas de boue informatique inexploitable. Quinze jours de boulot de votre serviteur dessus (boulot réalisé en même temps que la rédaction et non a posteriori, je le précise: ma date de bouclage était la même que celle des étudiants), et ça devient une trentaine de pages web d'aspect relativement sérieux tout de même, et interconnectées à mort comme vous pouvez le constater si vous y mettez votre nez: chaque article-page web est accompagné d'éléments de "zapping" honteusement accrocheurs, voire putassiers, dont la fonction est de retenir sur le site le plus longtemps possible ce crétin d'internaute dont le désir le plus cher est toujours d'aller voir ailleurs.

Joli travail, donc -- pas la peine d'essayer de me dire le contraire, je ne vous écouterai pas. Eh bien, que croyez-vous que j'obtiens comme réaction quand je montre ça à un quidam? Il a invariablement deux attitudes successives. La première consiste à s'extasier poliment: "Wow, pas maaal dis donc! T'as fait ça avec quoi? Dreamweaver? Wordpress?" Et la deuxième est de prendre un air déçu et consterné, genre soufflé qui retombe, quand je lui réponds la vérité vraie: que j'ai fait ça sans logiciel commercial, uniquement avec mes petits doigts et du code informatique tapé par iceux: ah, ce n'est que ça, tu bricoles en amateur, dire qu'un moment je t'avais pris pour un super-pro. Les plus gentils m'expliquent sur le ton qu'on prend pour parler aux grands débiles mentaux que je me fais vraiment bien chier pour pas grand-chose, et qu'on édite maintenant d'excellents logiciels faciles à pirater qui résolvent tous ces problèmes en deux coups de cuiller à pot sans avoir besoin de s'emmerder à manipuler des codes informatiques comme les moines copistes au Moyen-Age.

Et bien, voyez-vous... ça m'énerve!

JE SUIS un super-pro, bande de connards, et je le suis précisément parce que je sais qu'on n'a pas besoin d'outils coûteux pour aboutir à un résultat informatique; qu'on peut tout à fait obtenir ce qu'on veut d'un ordinateur pour peu qu'on le lui demande avec ce qu'il faut de compétence et de talent -- c'est-à-dire exactement tout ce dont vous êtes totalement dépourvus, bande de cuistres. Vous avez le droit d'être ignorants, d'autant plus que ce que je fais est effectivement assez sioux -- mais vous M'ENERVEZ en étant si visiblement convaincus que je vous suis inférieur PARCE QUE j'en sais cinquante fois plus long que vous en informatique. CA M'EXASPERE, cette sotte gloriole du mec qui connaît rien à rien et estime que c'est justement pour ça qu'il est parfaitement qualifié pour m'expliquer que je m'y prends comme un manche. Couillons, va.

Bon, je me calme un peu et je vous explique (encore que vous ne le méritiez pas, mais je suis foncièrement bon). La plupart des sites web, et en tout cas la quasi-totalité des webzines se donnant un aspect journalistique, sont constitués d'un savant mélange de textes rédigés, dont n'importe quel lecteur peut faire son miel si toutefois il a appris à lire, et par ailleurs de codes informatiques de mise en forme rigoureusement imbitables que personne ne voit jamais sauf l'informaticien qui les élabore. Ca va, jusque là vous suivez? Bon. Figurez-vous que les articles ont beau être tous différents, les codes informatiques, eux, sont toujours les mêmes (si on est pompeux, on peut même appeler ça une "formule de mise en page": plus c'est systématique, mieux c'est). Toujours les mêmes, vous pigez? Ca veut dire que c'est une perte de temps intégrale de prendre le super-logiciel clicodrome plein de menus déroulants dont vous connaissez la réputation, le truc qui moud le café et cire les pompes, mais que vous ne pourriez employer que pour refaire interminablement, article par article et numéro par numéro, rigoureusement le même boulot de mise en page à chaque fois.

Employer un logiciel de mise en page pour réaliser un webzine, c'est COUILLON. Quand on est un informaticien et non une brêle, on AUTOMATISE. Et cette automatisation, on la réalise avec de tout petits outils qu'on met au point pour des tâches extrêmement précises (du genre: mettre un fond de couleur derrière une phrase de relance, une seule). Ces bidouilles sont toutes petites et spécifiques, mais AUTOMATISEES, et non pas exécutées manuellement à chaque fois dans l'immense clicodrome-usine à gaz à 6000 euros dont vous préconisez l'usage, bande d'incompétents.

Une des choses que vous pouvez voir dans Argent lucide, c'est que chaque article est accompagné d'une demi-douzaine d'accroches publicitaires concernant d'autres articles disponibles sur le site. Une trentaine d'articles multipliée par une demi-douzaines d'accroches sur chaque page... Vous rendez-vous compte que ça vous ferait 180 occasions de faire les choses de travers si vous mettiez tous ces éléments en place par mise en page manuelle? Vous rendez-vous compte que ça vous demanderait au minimum cinq minutes de manipulation par page (et encore, je suis immensément optimiste), que 30 x 5 = 150 minutes, c'est-à-dire deux heures et demie de perdues sur le bouclage du canard? A titre informatif, le même boulot effectué par des automatismes requiert environ vingt-cinq secondes de traitement. Oui oui, pour les trente pages du site web. Et entre nous, si c'est aussi long, c'est bien parce que je n'ai pas eu le temps de fignoler: c'est au moins cinq fois plus que ce qu'il est possible de faire dans l'absolu.

Oui, ça sert, l'automatisation. Non, contrairement à ce que vous croyez, ça n'est pas un truc pour des frustrés de la vie qui n'atteignent l'orgasme qu'en manipulant du code informatique faute d'avoir les moyens de se payer des poupées gonflables. En plus d'être utile, c'est un exercice intellectuel valorisant: quand je regarde Argent lucide, je me dis que j'ai fait ça avec mon talent et pas avec mon carnet de chèques; j'en suis fier comme un petit banc, et j'ai raison! Certes, ce n'est pas à la portée de tout le monde (encore que ce soit beaucoup moins complexe que vous ne l'imaginez), mais ça a à voir avec la civilisation et non avec le cash-flow. Moi, j'aime.

La civilisation, vous savez? Un truc qui a été entamé par nos ancêtres, que nous enrichissons et qui sera encore utile à nos arrière-petits-enfants... Pour réaliser ce webzine, j'ai mis au point des bidouilles à toute berzingue pendant ces quinze jours, mais j'en ai aussi réutilisé que j'avais mises au point huit ans avant (eh oui, c'est ça aussi la compétence: ça permet d'exploiter ses propres archives), et je me suis fait aider de tout petits utilitaires Unix qui ont été conçus dans les années 70 du siècle dernier et qui fonctionneront encore très longtemps avant même d'avoir besoin qu'on les perfectionne.

Quant à mes bidouilles à moi, elles auront un avenir ou pas, je l'ignore, mais ce que je vous garantis, c'est que je ne vais pas les jeter. Car ça peut s'adapter, ces petites bêtes. Je ne sais pas si vous le croirez, mais l'utilitaire le plus utile pour la fabrication de ce site web est une adaptation d'une moulinette que j'ai mise au point en 1996 pour réaliser... une maquette en 3D de la cathédrale de Cochabamba (Bolivie). Le jour où vous arriverez à construire une maquette en 3D avec votre Dreamweaver à 3000 euros, je vous autorise à revenir me dire que je travaille comme un manche. Mais en attendant, z'êtes priés de vous écraser devant les vrais professionnels. Non mais.

lundi 8 février 2010

A l'assaut du trio infernal


Pratiquement depuis qu'il y a assez de linuxiens pour acheter des journaux spécialisés, on entend parler dans ces derniers d'un "trio infernal". Ce bel exemple de cliché et de langue de bois journalistique désigne un ensemble de trois logiciels: Apache, MySQL, PHP. Chacun de ces trois bazars pris individuellement ne peut intéresser que quelques informaticiens spécialisés, mais l'assemblage des trois engendre une merveille dont vous avez probablement entendu parler, chers lecteurs: le web, pas moinsse.

Bon, tout ce qui se trouve sur le web n'est pas fait avec le trio infernal au grand complet. Moi-même, qui ai pondu au fil des ans une grosse demi-douzaine de sites web, je n'ai jusqu'ici eu recours à aucun des trois pour y arriver. Mais le web n'aurait assurément pas l'importance qu'il a aujourd'hui s'il n'était organisé autour de ces trois larrons. Ils méritent donc bien une présentation.

Apache, symbolisé dans l'image ci-dessus par l'espèce de plume rouge (en fait, je crois qu'elle est multicolore, mais comme je suis daltonien, je simplifie), c'est le logiciel qui permet à un ordinateur de réagir aux sollicitations qu'il reçoit au travers du web. Quand vous consultez un site quelconque et que vous cliquez sur un lien quelconque, boum, voilà-t-il pas que de l'information apparaît sur votre écran alors qu'elle n'est pas enregistrée sur votre machine. Eh bien, le bazar qui a reçu votre demande d'accéder à cette information et qui vous l'a aussitôt expédiée, c'est presque toujours Apache. Ce nom d'indien est un jeu de mots à deux balles comme les geeks les aiment: ça se prononce "apatchi", donc "Apache software" se prononce "a patchy software" et se traduit par "un logiciel fait avec du sparadrap". Entendez que c'est un bazar fait de pièces et de morceaux qu'on a rassemblés à la va-vite et sans élégance. Etonnante appellation, non? C'est qu'Apache est un logiciel libre, sans but lucratif, initié au départ par des informaticiens bénévoles qui voulaient juste que ça marche le plus vite possible et tant pis si c'était moche. Or, ça a tellement marché que ça a permis l'existence du web, mais oui. Chaque informaticien de la planète a recours aux services d'Apache des dizaines de fois par jour. Quand ça marche (et la plupart du temps, ça marche), ça s'appelle du surf sur le web et personne n'a conscience de l'existence d'Apache. Quand ça débloque, généralement pas à cause d'Apache mais plutôt parce qu'un site web a été mal conçu, c'est encore Apache qui vous signale des erreurs, dont la fameuse page "404 Not found" qui vous signale que le document que vous avez demandé n'existe pas sur le serveur que vous consultez, en tout cas pas sous le nom sous lequel il a été réclamé. La prochaine fois que vous vous prendrez un 404 Not found dans la figure, au lieu de vous contenter de pester "saleté d'ordinateur" comme d'habitude (alors que pour une fois, votre ordinateur n'y est pour rien), lisez donc ce qui est écrit en tout petit en bas de la page: vous pourrez vraisemblablement y lire le mot "Apache" et vérifier par là-même que je ne vous raconte pas d'âneries.

MySQL, dont le logo représente un zoli dauphin, c'est un système de gestion de base de données très puissant et gratuit. Une très forte proportion des administrateurs système de la planète utilisent donc ce bazar pour stocker tout et n'importe quoi (principalement du texte, mais en trichant un peu on peut y mettre beaucoup d'autres cochonneries) et le retrouver très vite à la moindre sollicitation. Comme le web sert à diffuser tout et n'importe quoi, MySQL y est extrêmement utilisé.

Quant à PHP, dont le logo d'une consternante laideur représente... les trois lettres PHP (les graphistes ne se sont pas foulés, cela étant probablement dû au fait qu'en place de graphiste on a dû demander à l'informaticien le moins débordé de l'équipe de pondre un logo en cinq minutes pour faire taire ceux qui le réclamaient), eh bien PHP est le bazar qui fait le lien entre Apache et MySQL, et transforme le boulot de ces deux gentils messieurs en des pages web plus ou moins esthétiques, plus ou moins lisibles. C'est un langage de programmation informatique dont la principale fonction est... d'écrire du code informatique, ce qui, je le suppose, suffit à vous convaincre que ça n'est pas fait pour les débutants. Eh bien, vous vous trompez entièrement: PHP est fait pour des débutants (initialement, "PHP" voulait d'ailleurs dire "Personal Home Page") avec un effort particulier pour les nullards qui veulent s'y mettre en n'ayant rien appris de sérieux -- et pour le malheur de la planète informatique, c'est relativement efficace: des informaticiens même très mauvais arrivent à tirer quelque chose de PHP. Ca a l'air d'être sympa comme projet... Mais c'est un vrai tas de boue, inélégant au possible, susceptible de continuer de tourner cahin-caha même quand il a été programmé avec le pied gauche d'un cul-de-jatte... ce qui fait qu'un programme PHP même très mal écrit peut encore être enrichi ou plutôt alourdi même par des brêles complètes, jusqu'à qu'il soit tellement emberlificoté que plus personne n'y comprend plus rien et notamment pas les informaticiens qu'on paye pour essayer de le rendre moins dégueulasse. Si vous voulez voir quel type de daube informatique ça peut produire, connectez-vous sur le site de la SNCF.

Si le trio Apache-MySQL-PHP est infernal, c'est essentiellement à cause de PHP, ou plutôt des connards qui l'utilisent avant d'avoir appris à s'en servir. Seulement, comme PHP a été conçu à l'intention des nullards, et que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes (comme disait mon pote Descartes), tous ceux qui apprennent PHP réussissent à s'aventurer sur le web avant d'avoir appris les risques qu'ils y courent.

Ce qu'ils cherchent à faire, c'est à faire en sorte que leur ordinateur devienne un serveur, c'est-à-dire qu'il puisse réagir aux sollicitations venant d'autres machines connectées à Internet. Et vite, en plus. Avec PHP, ils y arrivent: leur beau-frère peut consulter de sa lointaine province, sans se déplacer, les photos de vacances qu'ils ont mises à disposition de la planète sur leur meugnon petit PC avec son Windows pourri (oui, le trio infernal peut fonctionner sous Windows; même quand il est programmé par des windoziens, ce qui est quand même très fort): la machine de Lutèce répond à ce que demande la machine de Trifouilly. Ou de Kiev, de Khabarovsk, de Jersey, de Ouagadougou ou Tegucigalpa. Ah zut! On l'avait oublié, il n'y a pas que des gentils sur Internet. Et ce qu'un gentil nullard peut faire avec PHP, un méchant nullard peut le faire aussi. Et si en plus le méchant est un peu plus compétent en informatique que l'employé de Microsoft moyen (ce qui n'est vraiment pas difficile), il va sans trop de peine utiliser pour ses coupables visées le trio infernal tournant sur la machine du nullard sans même avoir besoin de savoir où elle se situe au juste. Et la machine du neuneu équipée du trio infernal se met, à l'insu du neuneu, à envoyer du spam; à attaquer des réseaux bancaires pour essayer de trouver les mots de passe; à faire transiter les données cryptées des narcotrafiquants; à héberger de la pédopornographie. Ben ouais, ça existe vraiment.

Résultat des courses, les développeurs d'Apache, de MySQL et de PHP passent leur temps à sécuriser leurs bazars pour que les vilains pas beaux aient de plus en plus de mal à en prendre le contrôle à distance. Et pour cette raison, le trio infernal devient de plus en plus infernal: c'était déjà un tas de boue emberlificoté offrant des trous béants aux cybercriminels (oui, l'image est un peu hardie, mais qu'est-ce que vous croyez, j'ai bien le droit de faire du style). Eh bien, par à-coups, ça devient parfois aussi tâtillon qu'un fonctionnaire de l'état civil fan de Brice Hortefeux quand un mal blanchi né à Singapour d'un père congolais et d'une mère kabyle vient déclarer qu'il a perdu son passeport. Houlà houlà houlà, t'es qui, toi? Tu peux le prouver? Et d'abord, qu'est-ce que tu viens fiche sur mon site web? Tu me dis que tu es le même que celui qui est déjà venu il y a dix minutes, mais qu'est-ce qui me force à te croire?

Les cybercriminels s'en foutent probablement pas mal, en revanche les informaticiens pas tout à fait nullards qui s'attaquent au trio infernal trouvent ça un peu crispant: car les manip données comme tout à fait orthodoxes dans les manuels de 2008 sont devenues totalement acrobatiques, voire interdites, dès le premier trimestre 2009. Toutes les douze heures environ, l'un des trois loustics du trio infernal vous signale que vous devez absolument passer de la version 2.3.227 à la 2.3.229a bêta, qui n'a pas été testée à fond, à moins que vous ne préfériez la 2.3.228 qui, elle, a été testée, même qu'on sait qu'elle ne marche pas dans certains cas particuliers très rares, mais si, prenez-la quand même, ça devrait aller.

Dans le monde du logiciel libre où les forces du bien sont continuellement à l'oeuvre, il est apparu un projet sympathique, nommé Xampp ("amp" dans "Xampp" signifie "Apache-MySQL-PHP"), qui se propose de faire tourner le trio infernal sous Linux (c'est là que ça marche le mieux, mais ça existe aussi, hélas, sous Windows) dans deux configurations de base: 1) totalement ouvert à la cybercriminalopédopornographie, pour les tests; 2) totalement fermé au point qu'on n'arrive pas à s'en servir même sur une machine déconnectée se consultant elle-même avec les privilèges de l'administrateur système. Entre les deux configurations, il y a un peu de place pour les réglages qui vont bien... mais vous devrez les faire vous-même parce qu'il faut prendre en compte tellement de cas particuliers que personne ne peut automatiser ça.

Eh bien, je m'y suis attaqué hier. Souhaitez-moi bonne chance.

vendredi 5 février 2010

L'iPad, plus gros ordinateur miniature du monde


Crédit photo: Matt Buchanan.

Quel génie, ce Steve Jobs! Vise un peu la belle église! Enfin un ordinateur miniaturisé assez gros pour que les presbytes arrivent à lire ce qui est écrit dessus! Enfin un ordinateur sans clavier capable d'afficher un clavier ayant la taille d'un clavier et juste un tout petit poil moins ergonomique qu'un vrai clavier de messages SMS pour téléphones mobiles! Putain, c'est dingue! Et puis, ce qui est vraiment génial par rapport à l'iPhone dont cette tablette magique prend la succession, c'est que cette superbe babasse indispensable au snob moderne ne prend même pas la peine de prétendre qu'elle peut lui servir de téléphone! Quelle audace, quelle révolution! Plus rien ne sera jamais comme avant, comme à l'époque où les ordis servaient seulement à travailler alors que de toute évidence leur vraie fonction est de draguer les gonzesses (surtout celles qui aiment les beaux mâles à la barbe rase, comme Steve, et surtout au chéquier assez bien garni pour s'offrir ces dispendieux gadgets).

Evidemment que c'est la jalousie qui me fait tenir ces propos sarcastiques. N'empêche: fondamentalement, l'iPad n'est rien d'autre qu'un iPhone incapable de téléphoner et trois fois moins miniaturisé que son grand frère (grand frère qui, justement, se trouve être plus petit)... donc nettement moins cher à produire (en dehors de l'écran, pour lequel les économies d'échelle peuvent déjà être anticipées). Et la colossale finesse de Steve Jobs, c'est de vendre nettement plus cher une machine qui coûte nettement moins cher à produire. Dans le monde des geeks, on appelle ça un coup de génie... mais personnellement j'aurais plutôt tendance à trouver que c'est un exercice de foutage de gueule particulièrement réussi. Car immédiatement toute la planète est tombée amoureuse de l'iPad, veut un iPad pour Noël, veut partir au ski avec l'iPad, veut montrer à tout le monde les dessins des enfants sur l'écran de l'iPad. Rendez-vous compte: un ordinateur! couleur! avec un écran! rectangulaire! sans clavier! sauf si on veut lui en rajouter un! C'est vraiment du jamais vu. M'en mettrez quinze!

La chose a pourtant de réelles vertus. En premier lieu, elle ringardise superbement le pachydermique Windows 7 avec son interface tactile à deux balles: l'ergonomie de Seven est à celle de l'iPad un peu ce que le lyrisme de Paul Déroulède est à Dante Alighieri, ou la musique de l'Orphéon de La Garenne-Bezons à Franz Schubert. Pas la peine d'espérer que ça change: le beau Steve a déposé des brevets planétaires sur à peu près tous les gestes qu'on peut effectuer avec un, deux, trois voire quatre doigts. Je fais glisser le doigt vers le bas, le texte glisse vers le bas: brevet. Je tape un coup sur l'écran, ça simule un clic de souris: brevet. Je tape deux coups sur l'écran, ça simule un double-clic: brevet. Je secoue l'écran, ça l'efface façon ardoise magique: brevet. Tout est pris, breveté, verrouillé, sauf peut-être l'idée géniale de désigner un point sur l'écran en posant le doigt dessus: ça, c'est libre; et ça tombe bien, c'est tout ce que Windows 7 sait faire (et encore Microsoft n'a-t-il trouvé l'idée qu'en plagiant outrageusement la légendaire ergonomie des distributeurs de billets de la SNCF). Quant au mode de fonctionnement des cons d'ordinateurs à clavier, c'est plus que ringard, c'est carrément antédiluvien. Le clavier, c'est un truc de losers, une vieillerie, à peu près aussi attrayante pour le consommateur qu'une lampe à pétrole ou un phonographe à manivelle. Et je vous raconte pas comme je me sens couillon avec mon ordinateur à clavier (un MacBook, pourtant) et mon système d'exploitation avec une ligne de commande en guise d'interface homme-machine...

Passons. La seconde vertu du truc, c'est qu'on va trouver des livres électroniques vendus avec seulement 30 % de royalties pour Steve Jobs, contre... 70 % de racket sur les Kindle d'Amazon. Quand on vous disait que Steve Jobs était un idéaliste et que tous ceux qui le critiquent c'est rien que des jaloux.

lundi 1 février 2010

Informatiser les choux et les carottes


Je ne me trompais pas en pensant que l'informatisation de ma modeste collection de DVD serait plus formatrice que l'utilisation d'une base de données fictives, si complexe soit-elle. Avec des données réelles, même peu abondantes, on se rend tout de suite compte que non seulement les cas particuliers existent, mais que c'est justement leur gestion qui rend l'informatisation de la base de données intéressante.

En fait, personne n'a besoin d'informatiser une base de données peu abondante si elle est entièrement composée de données parfaitement standardisées. Si, par exemple, vous gérez le fichier d'une association d'une centaine de membres payant leur cotisation avec une régularité de métronome le 1er janvier de chaque année civile, toutes ces personnes étant dotées d'un patronyme, d'un prénom, d'un numéro de téléphone et d'une adresse uniques -- alors un simple cahier, ou dans le pire des cas une boîte à chaussures remplie de fiches en bristol, suffit largement à archiver toutes ces informations de façon propre, complète et facile à consulter. Vous pouvez aussi, bien entendu, stocker ça dans les lignes et les colonnes d'un tableur ou, si vous êtes vraiment masochiste, dans un fichier SQL: bien sûr que c'est possible, c'est même de la bibine.

Le problème, c'est que des données aussi parfaitement standardisées, ça n'existe pas. Dans la vraie vie, votre association comprend aussi des membres dont vous ignorez le nom mais dont vous devez quand même encaisser la cotisation parce que le gus vous a mis l'argent dans la main un soir où il vous a croisé dans un bar; des membres qui paient leur cotisation aux environs de la fin juin, ou qui en paient une partie en mars et le solde en septembre; des membres qui déménagent, ou qui vous laissent l'adresse de leur petite amie chez laquelle ils squattent quand ils passent dans votre ville; des bénévoles dont on a décidé de faire des membres d'honneur. Et ce sont justement ces cas foireux-là qu'il est le plus important d'informatiser: car le type qui vous a filé l'argent sans vous dire son nom se vexera si vous lui réclamez la cotisation qu'il a déjà payée, ainsi d'ailleurs que le bénévole qui paie largement de sa personne, mais exclusivement en nature; celui qui a payé en juin, selon les cas et l'humeur, vous prendra pour un rapiat, voire un voleur, si vous considérez qu'il a payé avec retard pour l'année en cours, ou vous considérera comme un branquignol si vous considérez au contraire qu'il a payé en avance pour l'année suivante; celui qui créchait chez bobonne vous signalera qu'il a changé de pied-à-terre en même temps que de bonne amie au moment le plus absurde -- un jour où il vous croisera dans le métro au bras de madame, par exemple, et je vous raconte pas la terrible scène de ménage si vous commettez l'erreur d'envoyer le rappel de cotisation chez son ex. Tandis que les membres bien standard qui paient recta le 1er janvier, portent un nom et un prénom bien chrétiens et ne déménagent jamais ne vous poseront jamais aucun problème, pas même si vous vous contentez de les gérer en notant leur nom sur un répertoire Clairefontaine à spirale et petits carreaux.

Voici donc la problématique à mon sens la plus intéressante dans les bases de données: il faut standardiser les données pour pouvoir les informatiser, mais dans bien des cas l'effort d'informatisation n'a d'intérêt que s'il vous facilite le travail avec les données non standardisées et, en fait, avec elles seules.

Dans le cas de ma petite collection de DVD, l'informatisation n'a à peu près aucun intérêt s'agissant des films d'anthologie. Par exemple, je n'ai aucun besoin d'écrire une requête SQL pour savoir que le Docteur Jivago a pour réalisateur David Lean et pour distribution Omar Sharif et Julie Christie: j'ai ça en tête, à supposer que je l'aie oublié je peux trouver ça dans Wikipédia ou dans n'importe quel dictionnaire du cinéma. Ce que je ne suis pas capable de dire de tête, en revanche, c'est ce qui concerne les acteurs de second plan ou les réalisateurs n'ayant que rarement rencontré le succès. Je donnerais cher pour avoir la liste complète des films où jouent John Turturro, Albert Finney ou Donald Sutherland, ce genre d'acteurs qui ne sont qu'occasionnellement crédités sur la jaquette du DVD, mais qui crèvent l'écran chaque fois qu'on leur accorde trois minutes dans un rôle de quatrième plan.

Du côté des réalisateurs, il y a le modèle standard qui fait une belle carrière en sortant un film à succès tous les dix-huit mois, genre Howard Hawks; aucun intérêt de l'informatiser: n'importe quel dico du cinéma vous reconstituera l'intégralité de sa carrière en deux coups de cuiller à pot. Beaucoup plus intéressant est le cas d'ailleurs pas si rare de l'acteur qui s'est mis à la réalisation à un certain stade de sa carrière, façon Sydney Pollack, ou qui a passé son temps à travailler simultanément des deux côtés de la caméra, façon Woody Allen.

Que faire de tels personnages? Les considérer comme des acteurs et oublier qu'ils ont parfois été réalisateurs -- ou le contraire? Les noter en deux endroits, au risque de se contredire ou d'être incomplet? Ou carrément mélanger les choux et les carottes dans une base de données d'"hommes de cinéma" où l'on pourrait occasionnellement ajouter des scénaristes et des dialoguistes?

dimanche 31 janvier 2010

La zique de quand j'étais jeune


Quand j'étais petit garçon, je m'étais promis de ne jamais employer l'expression "quand j'étais jeune", pensant (et faut être jeune pour penser ça) qu'on reste jeune tant qu'on n'a pas décidé que c'était fini. Dans quelques mois, je vais entamer mon deuxième cinquantenaire, et si je reste globalement assez d'accord avec cette volonté de nier l'évidence aussi longtemps que possible, je suis bien forcé de reconnaître qu'il y a aujourd'hui des domaines dans lesquels la jeune génération n'acceptera plus jamais de me considérer autrement que comme un vieux con. Sur ces points précis, je prouve plus élégant d'assumer que de nier l'évidence. Donc, à titre exceptionnel, je vais vous entretenir ici de la musique que j'écoutais "quand j'étais jeune" -- c'est-à-dire au temps pas si lointain des disques en vinyle.

J'y ai repensé parce que ce week-end, profitant de ce que l'on m'avait confié un enregistreur numérique ("de mon temps", ça s'appelait un magnétophone, mais justement ça n'a plus rien de magnétique), j'ai entrepris de convertir en MP3 quelques morceaux choisis extraits d'un carton de disques 33 tours qui traîne quelque part chez moi depuis... bah, depuis quelque chose comme 1991, en fait. Je peux encore et très provisoirement passer ces disques sur une platine à peu près aussi vieille dotée d'un saphir à peu près aussi vieux (et pas neuf, même s'il n'a pas énormément servi). Evidemment, ça craque comme un feu de bois, accessoirement ça saute un ou deux sillons, mais globalement ça peut être bouffé sans trop de problème par l'enregistreur, et sans micro en plus: croyez-le si vous voulez, un cordon de raccordement mini-jack tout ce qu'il y a de plus banal permet de connecter l'ampli de 1994 à l'enregistreur de 2009, et c'est là qu'on voit que l'analogique, c'est quand même rudement moins éphémère que l'informatique: même si mes vinyles vivent assurément leur derniers instants, ils restent audibles vingt à trente ans après leur achat, alors que je n'aurais pas la moindre chance de tirer quelque chose de mes disquettes de la même époque, ni même de mes sauvegardes sur Zip Iomega pourtant effectuées il y a seulement une quinzaine d'années.

A vrai dire, quand j'ouvre mon vieux carton de 33 tours, j'ai la consternation de constater que j'ai bien peu vécu l'époque de ma folle jeunesse dans le domaine musical. J'affirmais à l'époque -- et en fait, c'est toujours l'opinion que je professe par provoc -- que la musique était morte avec Schubert, et que rien de postérieur à icelui ne m'intéressait. Dans mon tas de vinyles, il y a donc très principalement de la musique classique (surtout produite par la Deutsche Grammophon), mais on trouve quand même quelques albums presque contemporains de votre serviteur -- généralement offerts par ma soeur, qui était dans ce domaine sensiblement plus contemporaine que moi; il y a aussi quelques titres offerts par mon cher père. Ces disques ne représentent donc pas vraiment mes goûts, mais je les écoutais quand même, et à les écouter craquer, il semble même que ç'ait été assez fréquemment.

J'ai écouté des trucs certes contemporains de ma folle jeunesse, mais déjà considérés comme ringards à l'époque. Tiens, voilà un disque des Compagnons de la chanson que j'ai retrouvé avec grand plaisir. Ecoutez-moi ces paroles savamment pas intellectuelles pour deux sous, on appelait ça à l'époque de la chanson populaire:

Le jour se lève
Déjà le soleil
Chasse les rêves
Enfants du sommeil
Sur la grand-place
On entend marcher
Tous ceux qui font leur marché...


Bon, admettons-le, plus ringard, tu meurs. A ma décharge, ce disque correspond sans l'ombre d'un doute aux goûts de mon pôpa à l'époque, mais c'est vrai que j'aimais bien -- et d'ailleurs j'aime toujours, et avec d'autant plus de délectation que je sais bien que personne ne me suivra sur ce terrain-là.

Voici un disque de Paul Simon. Lui, il correspond aux goûts de ma soeur (mon aînée de trois ans, ce qui, quand on est ado, correspond presque à une génération entière).

The mama pajama
Rolled out of bed
And she ran to the police station
The papa said: Oh, if I get that boy
I'm gonna stick him in the house of detention


Ah, et puis voici quand même un disque contemporain de chez contemporain, correspondant, cas rarissime, à des chanteurs à qui je m'intéressais moi tout seul sans qu'on me l'ait conseillé: les Rita Mitsouko avec les No comprendo:

Les histoires d'A
Les histoires d'A
Les histoires d'amour finissent mal
En général...


(La sagesse de Manitou parle par ta bouche, Catherine)

Mais ce qui est le mieux représenté, et de loin, ce sont les goûts du pseudo-mélomane snobinard que j'essayais d'être à l'époque. Allez, je ne vais pas m'accabler outre mesure: certes, j'y mettais beaucoup de snobisme, mais je n'avais pas entièrement tort d'aimer écouter Jean-Pierre Rampal jouant des sonates pour flûte de Beethoven, pas tort non plus de placer Harold en Italie, de Berlioz, encore au-dessus de la Damnation de Faust du même Berlioz, qui n'est pourtant pas de la petite bière.

Ben ouais! C'est ça la musique que j'aimais, au temps des disques noirs. Comme disait fort justement Georges Courteline, "il vaut assurément mieux gâcher sa jeunesse que n'en rien faire du tout."

Eh bien, tout ça se convertit gentiment en MP3 (au fait, la petite vignette là-haut, c'est une copie d'écran d'Audacity), pour pas un rond et légalement quoi qu'en puisse penser la mère Hadopi, et j'ai donc bon espoir de pouvoir écouter jusqu'à la fin de mes jours quelques extraits de mes bons vieux disques noirs qui craquent.

mercredi 27 janvier 2010

Harrison Ford et Isabelle Huppert en haut de l'affiche


Pour les crédits photo, voyez au bas de cette notule.

Amateurs de rubriques people, passez votre chemin: non, je ne vous révèle pas la distribution du prochain Spielberg, pas plus qu'une affaire de zizi-panpan entre les sympathiques personnes dont la mignonne trombine illustre cette notule... Je ne vous parle ici, comme dans ma chronique d'hier, que de l'informatisation de ma DVDthèque. Navré.

Seulement, il se trouve que Harrison Ford et Isabelle Huppert sont fort bien représentés dans ma DVDthèque, parce qu'étant assez fan du premier comme de la seconde et réciproquement, j'ai tendance à casser ma tirelire chaque fois qu'il y a moyen d'acheter d'occase un DVD dans lequel ils jouent (oui, d'occase, ou plutôt à prix bradés: j'ai beau être fan, je ne suis pas riche à millions, et il est rare que j'achète des DVD à leur prix de lancement). Au fil des ans, j'ai donc acheté 10 films avec le premier, 8 avec la seconde, non pas parce que je l'aime moins mais parce que les films français sont généralement beaucoup plus chers que les ricains. Dix plus huit parmi les quelque six cents films de ma DVDthèque, ce n'est pas tout à fait une aiguille dans une meule de foin, mais c'est largement assez pour que je ne puisse pas comme ça au débotté indiquer les titres des films en question, et encore moins leurs emplacements -- ce qui est bien dommage quand il me prend la fantaisie d'organiser de petits festivals privés avec ces jolis disques payés de mon bon argent durement gagné à la sueur de mon front.

En plus, il m'arrive d'enfouir dans les profondeurs les films avec la belle Isabelle quand la présence d'icelle est à peu près la seule chose qui me plaît en eux, ce qui n'est pas tout à fait rare -- Mme Huppert étant assez éclectique dans ses choix et ne reculant pas devant les films, hum, disons, difficiles (ça doit être difficile à jouer, mais accessoirement c'est parfois difficile à regarder) et/ou glauques. Isabelle Huppert, et d'ailleurs aussi Annie Girardot, ont quelques scènes d'anthologie dans "la Pianiste" de Michael Haneke, mais faut bien avouer qu'en dehors de ces scènes mémorables le film est carrément pénible (génial, peut-être, mais pénible, assurément). Isabelle Huppert est comme d'habitude exceptionnellement (*) belle, merveilleuse, bouleversante dans "Ma mère" de Christophe Honoré d'après Georges Bataille -- mais si elle n'y était pas ça serait purement et simplement un film de série Y (je veux dire que ça se situe quelque part entre les films X et la série Z). Donc, ces films-là, je les garde précieusement pour la merveilleuse Isabelle, éventuellement je note l'emplacement précis des bonnes scènes en heures, minutes, secondes pour surtout n'avoir pas besoin de revoir le reste... et puis je cache tout ça dans une caisse, loin des yeux innocents de mes petits neveux.

Résultat des courses: ces films que j'ai achetés avec les maigres pépettes obtenues en échange de mon asservissement au patronat apatride, au lieu de les thésauriser, je les oublie.

Eh bien, c'est fini! J'ai repris ce matin la liste de DVD constituée la veille, j'ai flanqué ça dans un tableur et j'ai ajouté une colonne "acteurs" que j'ai entièrement remplie de mémoire, à toute berzingue, en un peu plus d'une demi-journée. Faut le faire, hein, zavez vu quelle phénoménale mémoire je me paye. Oui, bon, j'exagère un peu: j'en ai rempli les deux tiers de mémoire, et le troisième tiers, je l'ai reconstitué non pas en allant fouiller ma DVDthèque et les caisses qui la complètent (allez donc entreprendre des fouilles quand un chat dort sur vos genoux), mais en farfouillant sur Wikipédia, notre amie à tous. Environ six heures de saisie, une petite conversion vers SQLite, quelques lignes à changer dans un script Python, et boum, me voici capable d'obtenir au débotté la liste de tous mes DVD avec n'importe lequel de mes acteurs préférés. Et ce, en moins de deux jours, je vous prie de le noter: avant-hier, ma base de données n'était encore qu'un projet, que dis-je, qu'un fantasme. Osez dire que je ne suis pas un informaticien super-pêchu et retaillé. Osez dire qu'on ne peut rien tirer de ces vilains logiciels libres pas conviviaux pour un sou que sont SQLite et Python.

Allez, try me. Qui cherchez-vous? Bon, à tout seigneur tout honneur, allons-y avec Harrison Ford: A propos d'Henry, Apparences, Aventuriers de l'arche perdue (les -), Dernière croisade (la -), Hollywood Homicide, Ombre d'un soupçon (l'), Présumé innocent, Guerre des étoiles - un nouvel espoir (la -), Temple maudit (le -), Witness.

Allons-y avec Isabelle Huppert: 8 femmes, Ma mère, Merci pour le chocolat, Palmes de M. Schutz (les -), Pianiste (la -), Porte du Paradis (la -), Soeurs fâchées (les -), Vie moderne (la -). Bon, admettons-le, cet état alphabétique de ma DVDthèque n'est pas du tout une filmographie sélective et chronologique, en fait dans tout le paquet il n'y a guère que "la Porte du paradis" qui mérite vraiment de figurer dans une anthologie -- et encore, il s'agit de la version abrégée par United Artists contre la volonté de Michael Cimino; je crois que le director's cut existe, mais je n'ai jamais eu les moyens de me l'offrir. N'empêche, n'empêche, quand je veux me faire un samedi pluvieux de chips et d'Isabelle Huppert, j'ai de la matière et puis pas vous, na.

Par ailleurs, ce n'est qu'un début: pour le moment, les acteurs ne sont enregistrés dans la base que comme une multitude d'inventaires associés à chaque film; il faudra bien sûr que je crée une table d'acteurs propre, avec des jointures vers la table des films... N'empêche: arriver à faire tout ça en moins de deux jours, moi je dis que ça n'est pas à la portée du premier crétin venu. C'est pas beau de se vanter, mais si je comptais sur les lecteurs de ce blog pour me faire des compliments, je risquerais d'attendre un tantinet.

Moquez-vous, moquez-vous... Je m'en fiche, moi, je suis très content de moi, voilà.

(*) Ce n'est pas une autocontradiction, c'est une figure de style empruntée au délicieux Michel Drucker, lequel reçoit tous les dimanches depuis soixante-quatre ans un invité exceptionnel.

Crédits photo. Pour Harrison Ford, (c) Gavatron/Wikipedia, licence Creative Commons Attribution-Share Alike. Pour Isabelle Huppert, (c) Nicolas Genin/Flickr/Wikipédia, licence Creative Commons Paternité.

mardi 26 janvier 2010

DVD x SQL = SGBDR + cas particuliers


Un peu cryptique, mon titre, non? Moi, j'aime bien. Bref. Parmi mes bonnes résolutions pour l'année 2010, il y avait celle d'apprendre à utiliser à fond le langage SQL. Pour ce faire, j'ai passé il y a quinze jours une bonne heure à la librairie Eyrolles pour trouver un livre suffisamment complet, pédagogique et pas trop axé sur un système de gestion de bases de données précis (la plupart des bouquins ne s'intéressent qu'à mySQL, alors que j'ai plutôt opté pour SQLite). J'ai fini par renoncer à employer un manuel français (rien trouvé de bien convaincant -- d'ailleurs j'ai déjà plusieurs titres français sur la question dans ma bibliothèque et, justement, ils ne m'ont pas convaincu) et j'ai jeté mon dévolu sur Learning SQL, d'Alan Beaulieu, chez O'Reilly (oui, j'aime bien O'Reilly; et je ne suis pas le seul), ISBN 978-0-596-52083-0, avril 2009 pour la seconde édition (zen chercherez, des blogs qui vous donnent des références aussi précises).

Le bouquin est très clair et pédagogique, parsemé d'humour ce qui ne gâte vraiment rien. Il est construit autour d'une base de données abondante et savamment emberlificotée, qu'on peut se procurer sur le site d'O'Reilly pour ensuite tester des manips avec mySQL. C'est une excellente idée, mais il s'agit bien sûr de données bidon (clients bidon, adresses bidon, produits bidon, numéros de téléphone bidon) -- alors qu'on ne progresse jamais autant dans la maîtrise des bases de données qu'en traitant des données réelles, toujours truffées d'exceptions et de cas particuliers. J'adore ça, et d'autant plus que je sais que la plupart des informaticiens gèrent ces exceptions tout simplement en les ignorant -- ce qui, à mon sens, démontre bien qu'ils sont loin d'être aussi intelligents qu'ils ne souhaiteraient le faire croire. Et si vous trouvez que j'exagère, regardez donc sur votre chéquier comment les informaticiens de votre banque ont noté votre adresse: je vous parie à dix contre un qu'elle est écrite toute en majuscules et sans accents. Ah ouais, les accents, c'est une vraie galère à gérer, surtout quand l'informaticien est une brêle -- et c'est très généralement le cas comme vous pouvez le voir: si même les kadors que s'offrent la BNP et Natixis sont infoutus de noter un c cédille, ça vous donne une idée de ce que le clampin moyen serait capable de faire avec une bibliothèque.

Eh bien moi, j'aime les exceptions, les cas foireux, les trucs qui rentrent pas dans les cases. Dans le cas de ma DVDthèque, j'aime les films qui ont plusieurs titres (qui s'appellent "Wild at Heart" in English et "Sailor et Lula" en français, par exemple), j'aime les "coffrets Paul Newman" enfermant dans un contenant unique "la Chatte sur un toit brûlant", "Doux oiseau de jeunesse" et "le Gaucher", j'aime les dynasties d'acteurs (Kirk et Michael Douglas, Henry et Jane Fonda...) qui forcent à noter les prénoms, j'aime les trilogies avec 3 DVD dans la même jaquette, j'aime les noms à coucher dehors du genre Krzysztof Kieślowski (auteur d'une jolie trilogie, justement)... Et j'affirme en toute tranquillité d'âme que l'informaticien qui fait la grimace en entendant ça, au lieu de s'enthousiasmer devant la difficulté, est une brêle.

Bref. J'y travaille. J'ai passé la journée d'hier à constituer un inventaire exhaustif des films et des jaquettes (ce qui n'est pas du tout la même chose), d'abord en lisant à voix haute devant mon dictaphone ce que je pouvais lire sur la tranche de tous mes DVD (la jolie photo illustrant cette notule représente l'un des 20 rayonnages de ma DVDthèque, mais il y a bien sûr aussi des caisses, des cartons et même des tas), puis en tapant tout ça avec mes petits doigts agiles sur emacs, puis en le faisant bouffer à OpenOffice.org Calc, puis en le convertissant en CSV, puis en le convertissant en SQL. Eh bien, une journée m'a suffi pour répertorier dans les 600 titres (dont seulement 360 installés proprement sur des rayonnages), tous achetés légalement (bonjour madame Hadopi) à une seule exception près (1) (chic, encore une exception). Tiens, pour le même prix, je vais vous filer la liste, ça attirera sur ce blog plein de trafic, nyark nyark nyark, et par ailleurs ça me permettra de la retrouver dans n'importe quel cyber-café.

Je vous reparlerai certainement de cette superbe base de données, mais pour le moment, je conclus cette notule avec la fameuse liste. A bientôt!

12 hommes en colère, 1926 Vidéo anniversaire, 20 000 lieues sous les mers, 2001, l'odyssée de l'espace, 3 âges (les -), 36, quai des Orfèvres, 37°2 le matin, 4 mariages et un enterrement, 4e étage (le -), 8 femmes, 9 semaines 1/2, A bout de souffle, A l'est d'Eden, A la poursuite du diamant vert, A la rencontre de Forrester, A propos d'Henry, A travers le miroir, Abbé Grégoire (l'-), Accords et désaccords, Addicted to Love, Affaire de goût (une -), Age de glace (l'-), Agrippine 1, Ah! Si j'étais riche, Albert est méchant, Alexandre Nevski, Alien, Allan Quatermain et la cité de l'or perdu, Amadeus, Amants du nouveau monde (les -), Amour & mensonges, Amour à New York (un -), Américain à Paris (un -), Anastasia, Animal Kingdom (the -), Antitrust, Apollo 13, Apparences, Aprile, Arcimboldo, Aristocats (the -), Arnaque (l'), Arrête-moi si tu peux, Associé (l' -), Associé du diable (l'-), Associés (les -), Attention, bandits, Au nom d'Anna, Auberge espagnole (l'-), Austin Powers, Autant en emporte le vent, Aventures de Blake et Mortimer (les -), Aventuriers de l'arche perdue (les -), Avocat du diable (l'-), Babel, Bad Company, Bad Timing, Bambi, Barber (the -), Barton Fink, Basic Instinct, Be Happy, Bee Movie, Better off dead, Bienvenue chez les chtis, Bienvenue à Gattaca, Big Lebowski (the -), Big Town (the -), Billy Elliott, Blake et Mortimer, Blanc, Blessures assassines (les -), Blessures assassines (les -), Blessures secrètes, Bleu, Blink, Blue Steel, Blue Velvet, Bodin's, mère et fils (les -), Bombon el perro, Bon, la brute et le truand (le -), Borat, Boucher (le -), Boulevard du crépuscule, Bounty (le -), Bouteille à la mer (une -), Boys, Brasil, Brigadoon, Broken Flowers, Buster Keaton, l'intégrale des courts métrages 1917-1923, Bûcher des vanités (le -), Cadavres ne portent pas de costard (les -), Cadet d'eau douce, Cage aux rossignols (la -), Caire nid d'espions (le -), Calculs meurtriers, Candidat (le -), Canonnière du Yang-Tse (la -), Caramel, Carnaval des animaux (le -), Carrie, Cars, Casablanca, Cashback, Casino, Central do Brasil, Cercle rouge (le -), Chambre du fils (la -), Chantons sous la pluie, Chaplin, Charlie Chaplin, Charlotte Gray, Chasse aux sorcières (la -), Chatte sur un toit brûlant (la -), Chevauchée fantastique (la -), Chicken Run, Chinatown, Chocolat (le -), Choses secrètes, Chute (la -), Chute libre, Chèvre (la -), Cinq cartes à abattre, Cinéma Paradiso, Cirque (le -), City Hall, Cité des anges (la -), Coffret Paul Newman, Colors, Combien tu m'aimes?, Comment se faire larguer en 10 leçons, Comtesse aux pieds nus (la -), Comédies musicales, Constant Gardener (the -), Conte de Noël (un -), Corps impatients (les -), Corps à corps, Corto Maltese, Couleur du mensonge (la -), Cri dans la nuit (un -), Cria cuervos, Crime et châtiment, Cris et chuchotements, Cyrano de Bergerac, Dame du vendredi (la -), Dames de Cornouailles (les -), Dead Man, Dead zone, Demoiselles de Rochefort (les -), Dernier Empereur (le -), Dernière croisade (la -), Desperate Hours, Dialogue avec mon jardinier, Dilettante (la -), Docteur Jivago (le -), Dogville, Don Juan, Donnie Brasco, Doublure (la -), Doux oiseau de jeunesse, Douze salopards (les -), Dragon: l'arnaque, Duplicity, Déclin de l'empire américain (le -), Désaccord parfait, Détective privé, Détonateur (le -), Dí buen día a papá, Eclair de lune, Edith Piaf, Edith et Marcel, Effroyables jardins, Eglises de France, Ile-de-France 1, Elle voit des nains partout, Emmerdeur (l'-), Empereur et l'assassin (l'-), Emprise (l'-), En direct sur Ed TV, En face, En suivant la flotte, En toute bonne foi, Enchaînés (les -), Ennemis rapprochés, Enquête (l'-), Ensorcelés (les -), Epouses et concubines, Erin Brockovich, Escale à Hollywood, Escroc malgré lui, Escrocs mais pas trop, Et au milieu coule une rivière, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Etoile est née (une -), Etre et avoir, Etreintes brisées, Excès de confiance, Existenz, Eyes Wide Shut, Fabuleux destin d'Amélie Poulain (le -), Family Man, Fargo, Farinelli, Fauteuils d'orchestre, Feet first, Femme infidèle (la -), Femmes au bord de la crise de nerfs, Fenêtre secrète, Festen, Fille de d'Artagnan (la -), Fish and Chips, Fitzcarraldo, Fleur de mon secret (la -), Flight Plan, Flûte enchantée (la -), Fontaine d'Aréthuse (la -), Fous d'Irène, France (la -), France Boutique, Frankenstein Junior, French Connection, Furyo, Féline (la -), Gandhi, Garde à vue, Garçonnière (la -), Gattaca, Gaucher (le -), General (the -), Ghost, Girls (les -), Gladiator, Golden Door, Gone du Chaâba (le -), Good Advice, Good German (the -), Good bye, Lenin, Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, Goût de la vie (le -), Goût des autres, Gran Torino, Grand Day Out (a -), Grand siècle français (le -), Grand sommeil (le -), Grande excursion (une -), Grande illusion (la -), Grande évasion (la -), Guerre des mondes (la -), Guerre des étoiles (la -), Guillaume le conquérant, Géant de fer (le -), Habit vert (l'-), Hamlet, Hannibal, Happy Feet, Harold et Maude, Harrisson's Flowers, Harry, un ami qui vous veut du bien, Henry and June, High School Musical, Hoffa, Hollywood Homicide, Hollywood Sunrise, Home, Homme d'exception (un -), Homme de la rue (l'-), Homme pour l'éternité (un -), Homme qui en savait trop (l'-), Hours (the -), Héritage de la haine (l'-), I am Dina, I am Sam, Ice Storm, Il faut sauver le soldat Ryan, In her Shoes, In the Mood for Love, Incorruptibles (les -), Incroyable destin de Harold Crick (l'-), Indestructibles (les -), Indiana Jones, Indochine, Inside Man, Insoutenable légèreté de l'être (l'-), Inspector Morse, the Complete Series 1, Instincts meurtriers, Intelligence artificielle, Intern, Intolérable cruauté, Itinéraire d'un enfant gâté, J.F. partagerait appartement, JFK, Jacquou le croquant, Jambon jambon, Janis et John, Je suis une légende, Je vais bien, ne t'en fais pas, Jeux d'adultes, Joue-la comme Beckham, Jour d'après (le -), Jour sans fin (un -), Jour à New York (un -), Kagemusha, Ken Park, Kid (the-), Kika, Kill Bill, Ladybird, Land and Freedom, Lauréat (le -), Lawrence d'Arabie, Lettre écarlate (la -), Liaisons dangereuses (les -), Liberté-Oléron, Liens du sang (les -), Lignes de vie, Linda di Chamounix, Liste de Schindler (la -), Little Miss Sunshine, Lièvre de Vatanen (le -), Lord of War, Lost in translation, Love Nest (the -), Lucky Luke, MIB, Ma meilleure ennemie, Ma mère, Macadam Cowboy, Mad Dog and Glory, Madagascar, Madame Doubtfire, Mado, Mafia blues, Maigret et l'affaire saint-Fiacre, Main sur le berceau (la -), Maison Russie (la -), Maison sur l'océan (la -), Malabar Princess, Malena, Man to man, Manipulations, Marie Antoinette, Marqué par la haine, Mars attacks!, Master and Commander, Matrix, Mauvais pantalon (un -), Mauvaise éducation (la -), Maybe Baby, Maître du jeu (le -), Me Myself I, Mean Streets, Melinda et Melinda, Memento, Men in Black, Menteur menteur, Merci pour le chocolat, Meurtre en suspens, Meurtres par intérim, Michel Audiard le DVD, Microcosmos, Micropolis, Midnight Express, Millenium, Miller's Crossing, Million Dollar Baby, Minuit dans le jardin du bien et du mal, Mission, Moby Dick, Molière, Mon beau-père et moi, Mon beau-père, mes parents et moi, Monde parfait (un -), Monte là-dessus, Monty Python's Flying Circus, Mort aux trousses (la -), Mort d'un commis voyageur, Mother's boys, Mr. and Mrs Smith, Mulholland Drive, My Fair Lady, Mystic River, Mystère de la grande pyramide (le -), Mécano de la "Générale" (le -), Mélodie du bonheur (la -), Mémoire effacée, Môme (la -), Nadia, Nell, Neuvième porte (la -), Ni pour ni contre (bien au contraire), Nightmaster, Nixon, Nom de la rose (le -), Nombre 23 (le -), Norma Rae, Nos voisins les hommes, Notorious, Nous nous sommes tant aimés, Nouveau protocole (le -), Nouvel espoir (un -), Nouvelle Eve (la -), Nouvelles aventures de Lucky Luke (les -), Nuits blanches à Seattle, Nuits de Harlem (les -), OSS 117, Le Caire nid d'espions, Odette Toulemonde, Oiseaux (les -), Ombre d'un doute (l'-), Ombre d'un soupçon (l'), One Eyed Jacks, Orange mécanique, Ordinary Decent Criminal, Ouragan sur le Caine, Out of Africa, Palmes de M. Schutz (les -), Panic Room, Papillon (le -), Pardon Us, Partir, revenir, Party (the -), Pas un mot, Patient anglais (le -), Permanent Midnight, Persépolis, Petites confidences (à ma psy), Petits meurtres entre amis, Peuple migrateur (le -), Phare du bout du monde (le -), Photo Obsession, Pianiste (la -), Pierrot le fou, Piste (la -), Pixar, la collection des courts métrages, volume 1, Piège (le -), Piège en eau trouble, Placard (le -), Playboy à saisir, Playtime, Point limite, Poisson nommé Wanda (un -), Polly et moi, Pont de la rivière Kwai (le -), Porte du Paradis (la -), Portrait of a Lady (the -), Pour l'amour de l'art, Primary Colors, Procès Paradine (le -), Président, Président (le -), Présumé innocent, Prêt-à-porter, Psychose, Pulp Fiction, Pulsions, Père Noël est une ordure (le -), Père Noël est une ordure (le -), Quai des orfèvres, Quand la panthère rose s'emmêle, Quatre garçons dans le vent, Queen (the -), Quel pétard!, Qui veut la peau de Roger Rabbit?, Rain Man, Raining Stones, Raisins de la colère (les -), Rantanplan volume 1, Rasé de près, Rebecca, Red Corner, Redemption, Respiro, Retour vers le futur, Retour à Cold Mountain, Riff Raff, Ripoux (les -), Rivière sans retour, Rivière sauvage (la -), Rob Roy, Robinson Crusoe, Robocop, Robots, Rois de la glisse (les -), Rois du désert (les -), Rome ville ouverte, Rouge, Route semée d'étoiles (la -), Rox et Rouky, Rush, Ruée vers l'or (la -), Règlements de comptes à OK Corral, SOS Fantômes, SOS Fantômes 2, Safety Last!, Sans toit ni loi, Scarlet Letter (the -), Sciuscià, Scoop, Selon Charlie, Sens de la vie (le -), Sentiers de la perdition (les -), Sept ans au Tibet, Sept ans de réflexion, September, Septième sceau (le -), Seul au monde, Sex fans des sixties, Shall We Dance, Shining, Shortcuts, Show girls, Shrek, Shrek 2, Shrek le troisième, Silence des agneaux, Silence des innocents (le -), Silent Movie, Singing in the Rain, Singles, Slap Shot, Soeurs fâchées (les -), Something's Gotta Give, Son de mar, Sonate d'automne, Sortilège du scorpion de jade (le -), Souris City, Sous le sable, Sous les verrous, Space Cowboys, Spagnola (la -), Stand By Me, Star Wars, un nouvel espoir, Starship Troopers, Strange Days, Stromboli, Sur mes lèvres, Swimming with Sharks, Swing Time, Syndrome chinois (le -), Tailor of Panama (the -), Tais-toi!, Take the Money and Run, Talons aiguilles, Taxi, Temple maudit (le -), Terminal (le -), Terminator 2, le jugement dernier, Terre-Neuve, Tex Avery, Textiles (les -), Thelma et Louise, There Will Be Blood, Thierry le Luron à Marigny, Thé au Sahara (un -), To be or not to be, Toile d'araignée (la -), Tombe les filles et tais-toi, Tombstone, Tontons flingueurs (les -), Top Gun, Top Hat, Tour du monde en 80 jours (le -), Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, Tout peut arriver, Tout sur ma mère, Toy Story, Train sifflera trois fois (le -), Traversée de Paris (la -), Treize jours, Trois couleurs, Tron, Truman Capote, Truman Show (the -), US Marshalls, Uns et les autres (les -), Usual Suspects, Vaillant, pigeon de combat, Vanilla Sky, Vent se lève (le -), Vestiges du jour (les -), Vie de David Gale (la -), Vie des autres (la -), Vie est belle (la -), Vie inachevée (une -), Vie moderne (la -), Vie à deux (une -), Ville portuaire, Virgin Suicides, Visite de la fanfare (la -), Visiteurs du soir (les -), Viva la vie, Vol au-dessus d'un nid de coucou, Voleur de Bagdad (le -), Voyages extraordinaires de Jules Verne (les -), Vérité nue (la -), Vérité qui dérange (une -), Vérité si je mens! (la -), Vérité sur Charlie (la -), Wall E, Wallace and Gromit, Witness, World Trade Center, X files - le film (the -), Y a-t-il un flic pour sauver l'humanité?, Y a-t-il un flic pour sauver la reine?, Y a-t-il un flic pour sauver le président?, Y a-t-il un pilote dans l'avion?, Yol.

Ah merde, j'ai les Blessures assassines en double! S'il y a parmi mes millions de lecteurs un fan de Sylvie Testud qui n'aurait pas déjà ce titre pourtant incontournable (la preuve: je l'ai acheté deux fois), qu'il m'écrive un commentaire avec ses coordonnées: je trouverai bien un moyen de le lui refiler et tout le plaisir sera pour moi.

(1) Dí buen día a papá, film bolivien tellement diffusé hors des circuits commerciaux qu'il n'en existe pratiquement que des versions piratées. En plus, c'est un cadeau.

dimanche 24 janvier 2010

Huit ans de geekitude


J'ai quitté hier le conseil d'administration de mon groupe de linuxiens, Parinux, après y avoir passé six ans, dont quatre comme trésorier ou trésorier adjoint (vive la quille: je n'ai jamais pris de plaisir à remplir cette fonction, je ne l'ai fait que parce que personne d'autre ne s'est porté volontaire). Au total, ça me fait huit ans de geekitude, puisque j'avais déjà été simple membre de l'association pendant deux ans avant d'entrer au CA. Huit ans, ce n'est pas rien, et ça donne envie de jeter un petit coup d'oeil en arrière.

Les geeks -- enfin, plutôt les linuxiens, car il y a aussi des geeks hors du logiciel libre -- ont pas mal changé en huit ans. En bien ou en mal, c'est affaire de jugement... en fait, je crois qu'ils ont changé en bien et en mal simultanément: ils ont acquis les qualités de certains défauts et les défauts de certaines qualités. Disons qu'il y a huit ans ils étaient nettement plus techos (à prononcer tèkausse: fan de technique) et sensiblement moins idéologues, mais les deux attitudes étaient déjà mélangées à l'époque et elles le sont encore aujourd'hui. Les proportions ont changé, c'est tout, mais elles l'ont fait notablement. Linux et les logiciels libres sont beaucoup plus simples à manipuler que naguère, donc on vient moins vers Parinux pour trouver de l'assistance technique ou partager son expérience. Internet est moins un joyeux bordel et de plus en plus dans la ligne de mire des autorités, donc on vient de plus en plus vers les associations du libre pour contester les tentatives de réglementation.

Cette évolution est normale et même, dans une très large mesure, justifiée. N'empêche que j'aime nettement moins l'ambiance qu'avant. Il y a huit ans, dans nos agapes linuxiennes, nous respections à peu près tous une espèce de netiquette orale: on parlait très peu de politique, avec des pincettes, morts de trouille à l'idée de faire fuir les trois ou quatre membres de droite de l'association; en revanche, on se lançait dans d'interminables monologues techniques auxquels personne ne bitait rien (notamment pas, dans la plupart des cas, celui-là même qui débitait le monologue; mais j'ai mis du temps à me défaire du respect quasi-religieux que cette incompréhensible tambouille technique m'inspirait alors). Aujourd'hui, c'est le contraire: on parle assez peu technique, quand on en parle le discours est presque intelligible, en revanche tout le monde casse du sucre sur notre président bien-aimé Nicolas Sarkozy, ceux qui le soutiennent, ceux qui l'accompagnent (jusque là, ça ne me gêne pas trop) et -- et là je suis nettement moins d'accord -- ceux qui font preuve de mollesse dans les critiques qu'ils adressent à toute cette clique. Au point, à mon avis, de faire fuir non pas seulement les trois pelés et le tondu de droite qui auraient pu s'égarer chez nous, mais simplement ceux que le discours politique emmerde. Il y a huit ans, quand un vieux gaullisto-giscardien se barrait, on lui courait après dans l'espoir vain de le faire revenir; aujourd'hui, quand un baba-cool peu politisé se pointe chez nous, personne ne se rend même compte que le gars se barre très vite parce qu'il s'ennuie mortellement; et si on s'en rendait compte, ce serait sans doute pour dire: "Bof! Pas une grosse perte."

Parinux devient, nettement, une association militante, au sens politique du terme. Encore une fois, je trouve l'évolution naturelle, compréhensible, et en plus elle va nettement vers des positions idéologiques qui sont les miennes. N'empêche que je n'aime pas trop. J'étais venu à Parinux pour parler technique, apprendre des bidouilles, en faire connaître d'autres: ça me donnait l'impression de progresser, si peu que ce soit (de fait, je n'ai pas appris à Parinux grand-chose d'autre que le simple nom de bidouilles que j'ai ensuite dû étudier tout seul; mais cela seul n'est pas rien). Aujourd'hui, nous passons notre temps à nous indigner ou, bien plus souvent, à nous marrer en cassant du sucre sur nos têtes de Turc habituelles, et ça donne l'impression... de tourner en rond, de se fermer à la critique et à l'avis des autres.

Oui, mais les autres ont tort! En effet, je pense que les adversaires du logiciel libre, des formats libres, de la libre circulation de l'information, ont tort. N'empêche que je m'ennuie un peu à leur casser du sucre sur la tête à longueur de temps. Ce n'est pas très enrichissant de ne discuter qu'avec des convaincus. J'ai parfois un peu le sentiment d'être à la messe ou même -- horresco referens -- à une réunion du Parti. Et peu importe que ce soit un parti d'une authentique pureté idéologique ou un ramassis d'ambitions mesquines tartiné de doctrine conformiste débile, comme celui où je me suis fourvoyé quelque temps: moi, je ne trouve pas bien enrichissante la discussion avec des convaincus absolus, quand la moindre tentative de nuance ou de mise en perspective est assurée de se prendre immédiatement quatre ou cinq coups de patte pas méchants, mais secs, envoyés de façon réflexe par la vox populi. Comme chantait Brassens, "le pluriel ne vaut rien / à l'homme et sitôt qu'on / n'est plus deux, quatre on est / une bande de cons!"

Je suis méchant avec les linuxiens, mes semblables, mes frères. Non, ils ne sont pas -- en tout cas, pas majoritairement -- une bande de cons. Mais un rassemblement de linuxiens ressemble aujourd'hui beaucoup plus à une aimable beuverie de soudards qu'à un forum technique. C'aurait été le contraire il y a huit ans. L'évolution est naturelle, compréhensible, inévitable, et même, au fond, louable: il est heureux qu'il y ait des militants face au grignotage consciencieux des libertés que nous subissons sans l'ombre d'un doute.

Tout cela est vrai. Mais j'aimais quand même mieux il y a huit ans.

jeudi 21 janvier 2010

In memoriam Gadfly


L'informatique représente le triomphe posthume de Léon Trotski en ceci qu'elle vit sous le signe de la révolution permanente: tout change tout le temps, et ce n'est pas vrai seulement au niveau planétaire, mais aussi en ce qui concerne mon petit nordinateur à moi. A peine avais-je rédigé ma chronique précédente que je m'apercevais qu'elle était déjà caduque, aussi vais-je m'employer à la corriger.

Eh bien non, le successeur de dBase III Plus, c'est-à-dire le système de gestion de bases de données relationnelles léger, facile à installer et programmable en SQL, ce n'est plus Gadfly: il a été nettement détrôné par SQLite, ou plus exactement (en tout cas, à mon humble avis) par le couple SQLite-Python. J'avais placé mes espoirs en Gadfly sur la foi du très remarquable Apprendre à programmer avec Python de Gérard Swinnen (O'Reilly, 2004), confirmé par le non moins remarquable Python en concentré d'Alex Martelli (O'Reilly, 2004). Comme le temps passe: ces remarquables bouquins dont je n'ai pas encore tiré toute la substantifique moelle sont déjà un peu dépassés (quoique non obsolètes) sur la question des bases de données, et alors que de leur temps SQLite n'était encore qu'un obscur projet pas finalisé et très mal connu, c'est aujourd'hui une référence incontournable au point que les versions récentes de Python intègrent en standard la librairie permettant de s'interfacer avec lui.

Par ailleurs, j'avais eu tendance à considérer SQLite comme peu fiable parce que je n'étais pas parvenu à l'installer par la procédure standard pour les linuxiens glandus moyens et non-administrateurs système, c'est-à-dire le gestionnaire de paquets (chez moi, c'est Synaptic, vu que je bosse sous Ubuntu). Ayant eu après la rédaction de ma dernière chronique la curiosité d'essayer avec la procédure classique pour linuxiens super-pêchus, administrateurs système ou assimilés (configure, make, sudo make install, make clean), j'ai constaté à ma profonde stupéfaction que ça marchait sans coup férir (et ça a d'ailleurs aussi marché sur la partition Mac OS X de mon MacBook). Du coup, non seulement SQLite est installé et fonctionne parfaitement en ligne de commande, mais en plus Python lui cause sans la moindre difficulté.

Immense vertu du SQL, ça m'a immédiatement permis de tester le bazar avec les bidouilles que j'avais mises au point avec Gadfly, ce qui m'a amené à constater que SQLite était incomparablement plus rapide -- donc je prends le pari que Gadfly va tomber en désuétude vite fait bien fait (ce qui est un peu vexant pour son auteur, mais à peu près sans conséquence pour les bidouilleurs dans mon genre, puisque l'usage du SQL standard, commun aux deux bazars, va permettre l'adaptation des listings en deux coups de cuiller à pot).

Bon, a dire il vero (1), j'ai quand même eu quelques difficultés mineures à adapter mes petits programmes de Gadfly à SQLite en raison de différences de gestion des caractères accentués. Gadfly ne les gérait pas vraiment, c'est-à-dire qu'il stockait les octets qu'on lui donnait un par un dans une chaîne normale, ce qui n'a rien pour effrayer le programmeur C que je suis. Le duo Python-SQLite, lui, a voulu faire les choses plus proprement et stocke tout dans des chaînes Unicode, avec les caractères accentués en UTF-8. En fait, c'est mieux et même nettement mieux... mais comme le programmeur C que je suis n'y connaissait rien ça a commencé par me poser bien plus de problèmes que ça n'était censé en résoudre. Mais je pense que je vous raconterai ça dans une prochaine chronique parce que celle-ci est déjà assez bavarde. Hasta pronto! (2)

(1) C'est de l'italien.

(2) C'est de l'espagnol.

vendredi 15 janvier 2010

In memoriam dBase III Plus


Il y a maintenant un peu plus de dix ans, au cours de l'année 1999, j'ai quitté le monde merveilleux (hum) de Microsoft au profit de Linux. J'ai assurément beaucoup plus gagné que perdu en faisant ce grand saut, mais je mentirais en prétendant que les logiciels libres ont toujours réussi dès le premier jour à prendre la place des produits commerciaux que j'utilisais alors -- plus ou moins légalement. Non seulement ils n'y sont pas parvenus dès le premier jour, mais ça leur a (ou plutôt, ça m'a) parfois demandé plusieurs années...

Au prix d'efforts assez considérables, j'ai trouvé des successeurs au petit langage de programmation Quick Basic avec lequel j'avais le sentiment de savoir faire à peu près tout. J'y suis parvenu, mais vraiment pas en un tournemain; et même, sur certains points, il me faut encore aujourd'hui trincailler pour obtenir en C, Java, Perl, Tcl/Tk, Python ou C++ (oui, j'ai réellement écrit des tas de bidouilles avec ces six langages) les effets que je n'avais aucun problème à réaliser avec ce bon vieux Quick Basic -- en particulier quand je cherche à obtenir un affichage graphique un peu lisible avec un peu de couleur.

J'ai aussi fini par trouver en GNU/emacs un successeur décent au traitement de texte complètement inconnu que j'utilisais sous MS-DOS, XyWrite III Plus. Ce dernier, presque totalement ignoré de toute la planète, était d'une souplesse et d'une rapidité inégalées par aucun de ses concurrents, et possédait cette merveilleuse vertu de tout enregistrer en Ascii étendu, c'est-à-dire l'un des formats les plus simples sinon les plus standard qui aient jamais existé (grâce à cela, je peux toujours lire mes textes rédigés il y a vingt ans, et pas grand-monde ne peut en dire autant). GNU/emacs, dont il est de bon ton de se gausser même parmi les linuxiens, me rend à peu près les mêmes services -- bien secondé qu'il est par une vingtaine de moulinettes écrites en C par mes blanches mains pour faire sauter certaines limitations.

Comment ça, des limitations? Nous parlons bien de GNU/emacs, la mère du logiciel libre, un programme si versatile que ses détracteurs affirment qu'il ne lui manque qu'un éditeur de texte décent pour se transformer en un système d'exploitation complet? Ben oui. GNU/emacs -- que j'aime -- est quand même d'abord fait pour écrire des fichiers informatiques constitués ligne par ligne, et il n'est donc pas exactement l'équivalent de mon bon vieux XyWrite III Plus qui, lui, savait afficher proprement paragraphe par paragraphe n'importe quel texte en cours de rédaction, sans lignes inégales, comme il convient pour le confort visuel du journaliste que je suis. Même pour moi qui aime beaucoup GNU/emacs, il s'agit d'une vraie faiblesse et je comprends tout à fait mes chers confrères journaleux qui trouvent qu'à ce compte-là ils préfèrent encore cette sombre daube de Word. Mais bon, globalement, j'ai quand même trouvé chez M. GNU un successeur acceptable à mon traitement de texte sous MS-DOS, et même assez rapidement.

Ce à quoi je n'ai pas trouvé d'équivalent avant ces derniers jours, c'est à l'empereur des logiciels piratés sous MS-DOS, j'ai nommé l'incontournable dBase III Plus. Oh, vous pouvez bien rigoler et prétendre que c'est une vieille daube. dBase III Plus représentait bel et bien, ne vous déplaise, un certain état de l'art dans la gestion des bases de données. Certes, il n'avait pas la puissance de mySQL, d'Oracle ou de PostgreSQL, mais il n'en avait pas non plus la lourdeur, et on n'avait pas à chaque instant avec lui le sentiment d'employer un marteau-pilon pour écraser une mouche. PostgreSQL ou Oracle, c'est certainement super-bien quand on est EDF ou la SNCF pour gérer des dizaines de millions d'enregistrements, je n'en disconviens pas. Mais pour les fichiers que le pékin moyen ou même la PME moyenne est réellement amené à manipuler dans la vraie vie, une telle usine à gaz est vraiment surdimensionnée, tandis que ce bon vieux dBase gérait avec une facilité déconcertante des bases de données relationnelles contenant quelques centaines, voire quelques milliers d'enregistrements -- ce qui, pour le lambda moyen et M. Tout-le-monde, est déjà très au-delà de ses aspirations les plus folles.

Eh ben, sous Linux, faut être honnête, un véritable équivalent à dBase III Plus, y avait pas. Oh, bien sûr, j'ai survécu sans grande difficulté, en renonçant aux systèmes de gestion de bases de données relationnelles (SGBDR de leur petit nom) au profit d'un tableur médiocre (OpenOffice.org Calc), c'est-à-dire qu'en fait de base de données je me contentais de bêtes tableaux alphabétiques avec des lignes et des colonnes. Ca convient à peu près à M. Pékin lambda, du moment qu'il est un peu méthodique et soigneux (et c'est mon cas). Mais si M. Pékin lambda est aussi programmeur (et c'est encore mon cas), il ne trouve pas vraiment son bonheur avec un outil aussi rudimentaire (et peu lisible: OpenOffice.org, c'est moche avec ses petites nicônes à la con, ses ascenseurs, ses palettes et toutes ces stupidités de marketing qui ne servent qu'à bouffer la moitié de l'écran).

J'entends le coeur des linuxiens me dire qu'OpenOffice.org a son propre langage de programmation, et même son propre SGBDR. Je sais. Je sais aussi que je n'ai jamais rencontré personne qui s'en servait. Par ailleurs, vous avez déjà dû le sentir, je déteste l'ergonomie d'OpenOffice.org et sa manie de chercher à ressembler à qui-vous-savez, alors que c'est précisément par exécration de qui-vous-savez que je suis venu sous Linux. Alors, me faire suer pour apprendre des méthodes inconnues de tous et de surcroît plagiées de celles du père Bill Gates (merde, je l'ai nommé)... comme dirait Edmond Rostand, non, merci!

L'air de rien, même quand on aime ça (et j'aime ça), se farcir la tête de docs informatiques, c'est fatigant. Aussi apprécié-je assez peu de devoir le faire pour maîtriser des outils qui ne me paraissent pas du tout standard, que personne n'utilise, pour l'emploi desquels personne ne sait me filer un coup de main, pour l'apprentissage desquels il est impossible de trouver un manuel de référence décent et pas caduc, et dont les spécifications changent tous les deux mois sous prétexte d'édifier la civilisation informatique. Moi, j'aime les bons vieux outils standard qu'on peut encore utiliser aujourd'hui avec des manuels écrits dans les années 1970: les éditeurs de fichiers Ascii; les compilateurs C; et donc, en matière de base de données, je veux du SQL ou rien.

Alors, mySQL, PostgreSQL, ou peut-être SQLite si ces deux bazars sont trop gourmands? Mmm. MySQL, ce n'est pas vraiment libre (et encore beaucoup moins depuis que c'est passé sous la coupe d'Oracle). PostgreSQL, disons-le clairement, c'est éléphantesque; d'ailleurs, son logo le revendique. Quant à SQLite, bien que ça me paraisse a priori très sympathique, le vieux fan de dBase III Plus que je suis trouve quand même qu'être forcé de bidouiller en C chaque fois qu'on veut faire une bête recherche même pas multi-critères, c'est lourdingue. J'entends encore le coeur des linuxiens qui me disent qu'il y a des librairies pour gérer SQLite (comme d'ailleurs mySQL et PostgreSQL) dans tous les langages de scripts un peu décents, genre Perl et Python. Je sais. Mais ça me gonfle de devoir me farcir, en plus de l'apprentissage de la syntaxe SQL, celui d'une librairie à peu près inconnue et dont, bien entendu, les spécifications changent toutes les deux heures vu que c'est du libre, work in progress et tout le toutim.

Bref. Je crois qu'avec Gadfly, j'ai trouvé mon bonheur (on sait tout faire après avoir lu trois pages de doc) -- mais je pense que je vous raconterai ça un autre jour parce que le temps passe, l'air de rien.